Colline Dôgenzaka, Shibuya. Cette petite rue montante échappe encore à la frénésie qui anime le center gai depuis le début de l’après-midi déjà. Il faudra attendre encore bien plus tard pour que la rue se remplisse des publics du Womb et du Club Asia, nightclubs fameux du quartier des divertissements. Mais Dôgenzaka est surtout réputée pour son offre pléthorique d’hôtels un peu particuliers qui attirent le chaland avec des enseignes lumineuses aux noms aussi évocateurs que Le Pays Blanc ou Ichigo Club Hotel (Hotel Club Fraise). Ces Love Hotels (ou Leisure Hotels dans le jargon des professionnels de l’industrie) répondent essentiellement au besoin d’intimité des couples, dans un pays dont la superficie habitable est de 18,1m² par personne. En effet, en raison de prix immobiliers astronomiques, il n’est pas rare au Japon que plusieurs générations vivent sous un même toit dans des habitations faiblement insonorisées. Les Love Hotels sont ainsi souvent le seul moyen pour les jeunes couples habitant encore chez leurs parents de consommer leur relation.
Mode d’emploi
Après avoir consulté sur la plaque lumineuse à l’entrée les prix et prestations de l’hotel (3 000 yens (25 euros) à 5 000 yens (40 euros) pour un rest de quelques heures, et de 7 000 yen (55 euros) à 15 000 yen (120 euros) pour le stay (la nuit), on peut choisir sa chambre parmi celles disponibles directement sur un écran, avant de recevoir sa clef à travers une petite fenêtre. Pas de réception, ni d’accueil, le Love Hotel est le royaume de l’anonymat.
Contrairement aux hôtels classiques, les chambres de LoveHo (ラブホ) ont le plus souvent une décoration caractéristique destinée à offrir un cadre érogène sortant de l’ordinaire. « Les amoureux peuvent bénéficier d’un confort et d’un équipement qu’ils n’ont pour la plupart pas encore à domicile, voire ne possèderont jamais. » écrit Karyn Poupée. Si le nombre des chambres à thème tend à diminuer au profit de chambres plus sobres, ou d’un luxe extravagant, on peut toujours passer quelques heures dans un environnement Hello Kitty, Caraïbes, Gothique ou encore inspiration Noël. Si certaines chambres disposent d’un karaoké, d’un fauteuil de massage ou d’un bain à remous, toutes offrent de nombreux accessoires disponibles à la location (de la caméra aux déguisements), tandis que dans les couloirs des distributeurs proposent préservatifs, lubrifiants, produits pour le corps…
Attractif pour les investisseurs étrangers
Lieu d’intimité éloigné des promiscuités consubstantielles à la vie japonaise, le Love Hotel est un troisième espace entre la maison et le bureau qui occupe une place importante dans la culture nippone, avec un poids économique conséquent : 2 % de la population (soit 2,5 millions de personnes) visite un Love Hotel tous les jours : « Il y a entre 25 000 et 30 000 Love Hotels au Japon » estime Jean-Michel Ferrer, Directeur Financier de Alchemy Japan, société de gestion d’actifs.
Ces derniers représentent un investissement avantageux : avec des taux d’occupation pouvant atteindre 300 % (une chambre est vendue 2,4 à 3 fois par jour en moyenne), contre 70 à 90 % dans l’hôtellerie traditionnelle, l’activité atteint des niveaux de profitabilité élevés. Ainsi, pour 100 Yens investis, l’investisseur peut obtenir entre 15 et 30 Yens de rendement annuel net.
Et rien ne semble pouvoir assombrir les perspectives des investisseurs : « Alors que la demande pour des hôtels traditionnels est fonction de l’économie générale et du tourisme, l’industrie du Leisure Hotel est liée principalement à un besoin primaire récurrent : celui de l’intimité. » explique Jean-Michel Ferrer.
Erik Arnaud, pour AEMF S (Association des Etudiants du Master Finance et Stratégie de Sciences Po)
Remerciements : Jean-Michel Ferrer,
Chief Financial Officer, Alchemy Japan
Contact : jm.ferrer@alchemyjapan.jp – www.alchemyjapan.jp