Nathalie Rheims
Laisser les Cendres s’envoler – Confessions intimes
Nathalie Rheims choisit dans son quatorzième roman d’évoquer le sensible et douloureux sujet de ses relations avec sa mère. Elle confie au lecteur son enfance, livre sa jeunesse, et analyse ce qu’elle est devenue aujourd’hui à travers le prisme de sa vie.
Son histoire commence avec un père trop absent et une mère dénuée de sentiment à son égard. Cette dernière partira vite avec un artiste à la personnalité mégalomane et egocentrique, laissant la narratrice dans un profond abandon et un énorme vide impossible à combler. C’est ce vide que Nathalie Rheims exprime, analyse, et décrit telle une scientifique. En effet, l’absence de sentiment est très bien évoqué dès la première ligne du roman : « ma mère est morte je le sais. Mais lorsque j’y pense, je ne ressens aucun chagrin, pas la moindre émotion ». Tel l’étranger d’Albert Camus, Nathalie Rheims est dépourvue d’empathie. Dès lors, l’écrivain remonte le temps jusqu’à son enfance, plonge le lecteur dans sa vie et lui en montre tout les détails même les plus sordides jusqu’à aujourd’hui. Paradoxalement, sa mère qui tient la place principale de ce roman est la grande absente aux yeux de la narratrice et chaque tentative pour essayer de lui arracher ne serait ce qu‘ un « je t’aime » se solde toujours par un échec cuisant. On n’échappe pas au passage à la critique de sa famille, qui, bien que n’étant jamais nommée, est une famille de banquiers très célèbres. Dans ce carcan social et moral, la narratrice se sent écrasée, presque étouffée. Le lecteur par la même occasion malheureusement la suit. L’image récurrente du livre qui incarne parfaitement qu’elle fait est celle des trois singes de la sagesse qui se bouchent les oreilles, se cachent les yeux et s’empêchent de parler : ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre ; voilà la morale de l’histoire ! Ce livre est écrit dans un style très froid, mais pas pour autant distant. En effet, c’est un profond silence qui se dégage de ce livre mais le lecteur est entrainé par le flux de pensées continues de la narratrice. Nous entrons vraiment dans son intimité, dans sa psychologie, alliant ainsi parfois des petites anecdotes, des digressions ou bien des anticipations chronologiques. Bien que ce style puisse trouver des amateurs, il est toutefois très lourd et très pesant. On est même parfois gêné devant tant d intimité, tant de mise à nu de l’auteur.
C’est aussi avec un gout amer que l’on tourne les pages du livre l’une après l’autre essayant d’en venir à bout. L’histoire est très sombre, de temps en temps même : carrément noire ! On a aussi parfois l’impression que la narratrice est accablée par la fatalité. Une sorte de fatum de tragédie grecque qui s’acharne contre elle et contre lequel elle ne peut rien faire. Rares sont les passages ou l’auteur est heureuse, rares sont les moments de bonheur. La narratrice est en quelque sorte une Bovary qui échoue tout ce qu’elle entreprend et qui retombe toujours plus bas ; à la différence près qu’elle n’est pas attirée par la célébrité et l’argent mais bien au contraire, rejette tout ce qui ressemble de près ou de loin à sa famille. Finalement le dégout de la vie de la narratrice, le tædium vitae huysmansien, se propage même au lecteur qui ne peut qu’assister, impuissant, à l’impossible quête de reconnaissance de la narratrice par sa mère. C’est une véritable descente aux enfers que le lecteur effectue en se plongeant dans ce roman qui s’achève en apothéose en atteignant le summum du tragique.
On ressort de sa lecture assez choqué, même sonné, et il faut vite passer à autre chose pour comme dirait Nathalie Rheims : laisser les cendres s’envoler.
Gabriel Ascione, élève de RMS
Véronique Olmi
Nous étions faits pour être heureux
Après le succès de Bords de mer, Le premier amour et Cet été-là, c’est sur le thème de l’adultère que l’auteur Véronique Olmi a choisi d’écrire son dixième roman.
A soixante ans, Serge est un homme qui a réussi. Il est directeur d’agence immobilière, est marié à une jeune femme superbe, est le père de deux beaux enfants et possède une grande maison au coeur de Montmartre. De son côté Suzanne a quarante ans et est modeste accordeuse de piano. Bien dans sa peau, elle mène une existence paisible et sereine aux côtés de son mari Antoine. Mais un jour, alors que Suzanne se rend chez Serge pour accorder le nouveau piano de son fils, ils se croisent furtivement. Ils ne savent pas encore qu’ils se reverront, qu’ils auront une liaison, s’aimeront, et ouvriront leur coeur l’un à l’autre. Après cette rencontre, leur vie ne sera plus jamais la même. A priori, le thème ne semble pas d’une originalité renversante. En effet, au premier abord il s’agit d’un roman qui traite de l’adultère. Rien de révolutionnaire. Pourtant, on s’aperçoit au cours de la lecture, que Véronique Olmi nous emmène bien loin de nos stéréotypes. Serge trompe sa ravissante épousede 30 ans avec Suzanne, une femme plutôt ordinaire, ni jeune, ni belle. C’est cependant dans les bras de cette femme si imparfaite, mais tellement entière, que Serge va ouvrir la porte de son passé, parler de son secret et assumer ses blessures. Ainsi, l’intérêt de l’intrigue tient principalement à cette liaison atypique et au passé bouleversant de Serge.
Concernant le style de l’auteur, et le ton du roman
Tout le long du livre, l’auteur narre des épisodes de la vie quotidienne avec un lyrisme sans fin, qui devient lassant. Chaque paysage est scrupuleusement analysé, les actes des personnages longuement disséqués, les sentiments et les émotions sans cesse décortiqués. On a régulièrement l’impression d’arriver à la fin d’une page et pourtant de ne pas progresser dans l’intrigue. L’histoire reste trop souvent en suspend pour laisser place une rhétorique insatiable, pour finalement parler de détails. On peut même avoir la sensation de lire un enchainement de phrases qui ont toutes exactement la même signification et envoie un message identique. Les procédés d’insistance sont trop nombreux.
Pour ce qui est des personnages, Véronique Olmi a incontestablement su leur donner vie
Le passé de Serge ouvre la porte sur une seconde intrigue qui fait naître chez le lecteur un véritable mal être : les fils brisés par un père violent. Plus tard, il est tout simplement impossible pour Serge d’être « père » et d’en assumer le rôle auprès de son fils, Théo. Il arrive à un moment de sa vie où soit il continue d’être ce qu’il s’est efforcé d’inventer, soit il remonte le courant de sa vie grâce à Suzanne. Suzanne qui vit libre de tout et surtout, sans avoir peur. Toutefois, les personnages restent relativement insaisissables. Suzanne semble forte et libre mais étrangement détachée de tout, presque sans émotion. Quant à Serge, entre silences pesants, migraines régulières et élans de fougues compulsifs, on peine à le suivre.
Finalement, on ressort sincèrement bouleversé de cette lecture, sans trop savoir pourquoi. Comme si on avait laissé l’histoire nous atteindre bien plus qu’on ne l’avait prévu et imaginé. Il est difficile à la fin du roman d’avoir un avis tranché.
Anne Sophie Berrebi–Mathieu, élève de RMS