LA FRANCE ET LA CRÉATION D’ENTREPRISE
Parmi les nombreux paradoxes de notre pays il y a celui, notable, d’être malgré un taux de chômage élevé un de ceux où l’on compte le plus grand nombre de créations d’entreprises. On aurait pu imaginer à la lecture de certains sondages que les français, et en particulier les jeunes, n’avait d’autre vision de l’entreprise que celle d’une entité nécessaire à la subsistance. Mais voilà que tous les chiffres confirment la dynamique toute gauloise de l’esprit d’entreprendre. Grosso modo, un quart des entreprises créées sont le fait d’autoentrepreneurs ou entreprises unipersonnelles et certains y verront un biais dans la comptabilité entrepreneuriale puisque celle-ci doit créer de l’emploi. Mais la comparaison avec d’autres pays développés est avantageuse, néanmoins, sur le critère quantitatif. Il n’y a donc pas, a priori, un problème de vocation entrepreneuriale en France et c’est une excellente nouvelle car malgré, ou à cause ?, de la sempiternelle crise, de l’insécurité de l’emploi, et de l’inquiétude palpable de notre société, l’envie de tenter l’aventure d’une activité propre, d’un projet économique personnel est prégnante.
ETUDIANT N’EST PAS ENTREPRENEUR
L’allongement des études et le cumul des compétences nécessaires à la création d’une activité semblent en revanche faire obstacle parfois à l’envie d’entreprendre. On imagine classiquement que quelques compétences techniques puissent être nécessaires à l’entrepreneur en herbe qui se lancerait dans une aventure industrielle ou même tertiaire. On acceptera volontiers qu’une formation managériale complémentaire soit un gage de succès pour la création et la gestion ultérieure de sa société. On fera le constat que faire le tour des banques, agences de développement, incubateurs, chambres de commerce et d’industrie, etc., prendra une année ou deux. Un brillant entrepreneur formaté selon ce schéma peut donc espérer avoir une boîte qui démarre effectivement à 27 ou 28 ans. De quoi décourager certains dont l’envie d’indépendance et de création…. de famille, ne saurait attendre autant. Faute de mieux il faudra se résigner à réserver aux trentenaires, ou plus, ayant le goût du risque, le privilège de l’entreprenariat ou laisser se lancer dans l’aventure des jeunes peu formés aux écueils législatifs, commerciaux, financiers, et industriels. Bien entendu l’idée a vu le jour dans nombre de cerveaux tout à fait normaux d’essayer de concilier études et création d’entreprise mais ni le processus de création, ni les cursus n’ont été imaginés pour mener de pair les deux, et les stéréotypes de réussite dans chaque domaine sont diamétralement opposés et même contradictoires. Un nouveau modèle est nécessaire d’autant que c’est au cours des années de première jeunesse que l’effort, le risque, et l’investissement que réclame une entreprise florissante sont le plus facilement déployables sans compromettre d’autres aspects de la vie.
RÉUSSIR EN N’ÉTANT NI ÉTUDIANT NI ENTREPRENEUR
C’est ainsi que le nouveau statut d’étudiant entrepreneur offre une réelle chance au jeune entreprenariat car il oblige à imaginer un nouveau type d’acteur aussi bien dans l’établissement de formation qu’auprès des partenaires de l’entreprise. Mais ce n’est de fait ni un étudiant comme les autres, puisque certains de ses crédits de formation peuvent être validés par l’exercice de l’entreprise, ni un entrepreneur comme les autres, car son accompagnement est spécifique par les PEPITE (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entreprenariat). Si l’uniformité des corporations en souffrira un peu, on peut en contrepartie attendre de pouvoir enfin proposer une solution réelle auxjeunes élèves-ingénieurs ou élèves-managers qui ont le projet d’entreprendre et à qui par le passé il était si malheureusement conseillé d’attendre en assistant à des cours exclusivement théoriques par la force des choses. Enseigner l’esprit d’entreprendre est ainsi devenu tout simplement possible par la meilleure des façons le « learning by doing » ou comme on dit chez nous, les travaux pratiques !
Par LUIS LE MOYNE, Directeur de l’ISAT
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