La nature est complexe. Son évolution l’est tout autant. Pour mieux comprendre notre écosystème, Sylvie Méléard, vice-présidente du département de mathématiques appliquées de l’Ecole polytechnique, travaille depuis 8 ans avec des biologistes du Muséum national d’Histoire naturelle au sein de la chaire Modélisation mathématique et biodiversité. Probabiliste, elle s’attèle aux questions biologiques liées à l’écologie et à l’évolution. Un vaste programme, pour ne pas dire illimité, dont elle nous présente quelques aspects.
A quoi servent les mathématiques appliquées à la biologie ?
Nous développons des modèles probabilistes, des mécanismes de l’évolution en prenant en compte la diversité des échelles des écosystèmes et leurs interactions, et de l’écologie. Nous contribuons à répondre à des enjeux comme l’évolution adaptative, la colonisation spatiale, la compréhension de l’impact de l’environnement sur l’évolution des espèces, la construction de scénarios de la biodiversité. Les mathématiques, grâce à leur neutralité, apportent une approche dépassionnée dans un domaine, l’environnement et la santé, qui suscite beaucoup de débats. Elles sont aussi indispensables pour analyser des données biologiques de plus en plus volumineuses, notamment grâce au séquençage.
Comment travaille la chaire Modélisation mathématique et biodiversité créée avec le Muséum et Veolia Environnement ?
Le caractère pluridisciplinaire de la chaire est essentiel. Ce sont les biologistes qui nous disent quelles informations ils veulent quantifier, quels processus complexe ils souhaitent décrypter. Mettre en équation suppose de résumer un phénomène selon des critères précis que nous donnent les biologistes. C’est important pour ne pas perdre d’information pertinente dans une discipline qui considère des échelles très différentes mais liées. Nos outils permettent justement de se placer à différents niveaux, de la cellule à l’écosystème ; de décrire la probabilité d’extinction d’une espèce comme le processus génétique qui conduit à la résistance aux antibiotiques par les bactéries. Un exemple de vos travaux avec le Muséum ? Nous travaillons beaucoup sur la modélisation des extinctions d’espèces. Ainsi, on sait qu’à partir du moment où les effectifs d’une espèce sont trop réduits, il n’y a plus rien à faire pour inverser le processus de décroissance. Car si peu d’individus se reproduisent entre eux, ils accumulent les tares défavorables et fabriquent des individus de moins en moins adaptés. Ce phénomène accélère l’extinction, c’est ce que l’on appelle le vortex d’extinction. Nous avons développé les modèles qui permettent de prendre en compte précisément les paramètres démographiques et de démontrer comment ils peuvent accélérer cette extinction. Nous pouvons aussi introduire des critères environnementaux pour en mesurer l’impact.
Les formations adossées à la chaire Modélisation mathématique et biodiversité
Master 2 « Mathématiques pour les Sciences du Vivant » de la Fondation mathématique Jacques Hadamar ; programme joint entre les établissements membres de la FMJH dans le cadre de l’université Paris-Saclay : l’Université Paris-Sud, l’ENS Cachan et l’Ecole Polytechnique.
Master 2 « E cologie, Biodiversité, Evolution » entre l’UPMC, l’Université Paris-Sud, l’ENS Cachan, AgroParis- Tech, le Muséum.
La chaire finance 6 doctorats développant une approche bi-disciplinaire mathématique et biologie. Elles sont proposées par le Muséum, l’ENS Cachan, l’INRA, l‘X. Elle accueille également une dizaine de post-doc.
http://www.cmap.polytechnique.fr/chaire-mmb/
Sylvie Méléard
professeur à l’Ecole polytechnique, vice-présidente du département de mathématiques appliquées
et titulaire de la chaire Modélisation mathématique et biodiversité.