Tribunes ESCP Europe
Dilma Rousseff, la troisième femme la plus puissante du monde, est devenue présidente du Brésil en janvier 2011.
Allons droit au but :
le coût caché le plus commun au Brésil, c’est la corruption. Le document récemment révélé par Wikileaks, et la récente faxina (nettoyage) opérée par Dilma Rousseff devraient suffire à lever tous les doutes sur la profondeur des racines de la corruption brésilienne.
Wikileaks
Wikileaks a publié une lettre envoyée il y a un an et demie par Thomas Shannon, ambassadeur américain au Brésil, au procureur général américain, Eric Holder. Le diplomate étatsunien affirme que la corruption a été « étendue et persistante » dans les trois branches du pouvoir du mandat de Luiz Inacio Lula da Silva. Shannon fournit aussi une analyse du département de la justice brésilien, l’accusant d’être ni préparé, ni fonctionnel.
Ce n’est pas la première fois que des commentaires de la diplomatie américaine sur la corruption au Brésil sont dévoilés. Des documents de 2004 et 2005 montrent la même préoccupation, et même le risque que le scandale de « mensalão » finisse par empêcher le gouvernement de diriger le pays. Pour faire simple, mensalão était une combine de vote qui a menacé le gouvernement de Lula en 2005. Le terme Mensalão est un néologisme portugais signifiant « gros payement mensuel » et qui est réellement le scandale le plus important depuis la fin de la dictature en 1987. Pourtant personne n’est allé en prison, ce qui nous mène à l’une des principales causes de la corruption brésilienne : l’impunité. Même dans les années tardives du gouvernement Lula, qui ont duré de 2003 à 2011, la façon dont les Américains ont perçu la corruption de l’administration n’a pas changé. Elle ne s’est pas limitée aux trois pouvoirs ; Shannon a aussi dépeint les forces de sécurité comme « sousentraînées, pleines de rivalités bureaucratiques, de corruption dans certains secteurs », et les forces de police comme « trop maigres pour couvrir un pays de presque 200 millions d’habitants. »
L’ambassadeur américain a aussi dévoilé les problèmes des tribunaux brésiliens. « Même si de nombreux juristes sont de très bon niveau, le système judiciaire brésilien est souvent décrit comme dysfonctionnel, déstabilisé par des juridictions qui empiètent les unes sur les autres, ainsi que par le manque de formation, une bureaucratie absurde et un nombre affolant de dossiers en attente ».
Faxina (“le nettoyage”)
Devant Dilma Rousseff, il n’y a qu’Angela Merkel et Hillary Clinton sur la “Forbes list of the world’s most powerful women”. Rousseff, qui est devenue président en janvier 2011, s’est dédiée à la lutte contre la corruption. Sept ministres ont déjà démissionné lors des neufs premiers mois de son mandat – un nouveau record pour la démocratie brésilienne.
Observons comment Dilma Roussef a éliminé les quatre premiers :
La première démission a eu lieu le 7 juin, lorsque le chef du cabinet de Roussef, Antonio Palocci a abandonné son poste en raison d’accusations de trafic d’influence. Palocci avait très vite accumulé une grande fortune en tant que ministre des finances de l’administration Lula.
En juillet, Alfredo Nascimento, le ministre des transports et 30 hauts fonctionnaires (!) ont quitté le pouvoir, accusés d’avoir mis en place un système de pots de vin pour les entreprises désireuses de remporter des contrats. Au début du mois d’août, le ministre de la défense, Nelson Jobim, a été mis dehors. Jobim a affirmé être « entouré d’idiots » et révélé dans une interview télévisée qu’il avait voté pour l’adversaire de Roussef, Jose Serra, à l’élection présidentielle dernière. Enfin, à la mi-août, Wagner Rossi, le ministre brésilien de l’agriculture a démissionné, accusé de corruption au sein du ministère, et notamment de pots de vin. Un membre de son parti avait affirmé que des « bandits » étaient impliqués dans une société proche du ministère. Les trois derniers ministres à subir ce sort ont été Orlando Silva (sports), Pedro Novais (tourisme) et Carlos Lupi (travail). Tous pour des raisons de corruption et de scandales. Afin de montrer à quel point en est arrivée la corruption brésilienne, je citerai ce dernier, après les accusations de participation à un scandale de corruption qui pesait sur lui : « La seule façon dont on me fera quitter mon poste, c’est en me tirant une balle – et il en faudra une grosse, car je suis un grand homme. » En somme, le Brésil ne deviendra un pays véritablement développé que lorsque la mentalité des grands hommes au pouvoir évoluera. Pour conclure, le document que Wikileaks a révélé il y a peu et la récente faxina incitent les hommes d’affaires à la prudence lorsqu’ils investissent au Brésil. N’ignorez pas les coûts cachés liés à la corruption, à la sécurité, à la bureaucratie et à notre système judiciaire dysfonctionnel.
Ricardo Geromel,
élève brésilien de l’ESCP Europe
(traduit de l’anglais par Thomas Herth)