8 hectares pour 830 élèves et une petite centaine de professeurs : rien de moins pour le prestigieux lycée Sainte-Geneviève. Derrière les hauts murs qui ceignent l’établissement, qui pourrait imaginer ce qui s’y trame ? C’est une petite ville qui respire là-derrière, avec son parc, sa chapelle, son internat, et même son terrain de foot. Il faut néanmoins traverser la rue pour aller s’approvisionner au supermarché d’en face : véritable annexe de l’établissement investie par les élèves, les Versaillais n’ont qu’à bien s’y tenir !
L’esprit communautaire
Tout commence avec l’internat, obligatoire pour tous, quel que soit son éloignement géographique : « C’est dans l’internat qu’est vécu le projet pédagogique de l’école », atteste Pierre Jacquemin, préfet des études. Si l’internat est mis en avant comme un atout en termes de gain de temps, il est aussi le lieu où se met en place l’esprit de solidarité entre les élèves. L’entraide et le travail collectif sont en effet fortement encouragés au sein de l’école : un soir par semaine, un élève de tête de classe apporte son aide à deux étudiants d’un niveau un peu moins élevé. Pour renforcer la cohésion dans les classes, une semaine d’accueil a lieu en début d’année. En première année, certains élèves possèdent deux chambres, l’une pour travailler, l’autre pour dormir, qu’ils partagent à chaque fois avec un camarade… « Le pendant de cette organisation est que les élèves peuvent avoir parfois un peu de mal à s’isoler », reconnaît Didier Cahen, Directeur de la Vie Etudiante de l’école. « L’aspect à la fois le plus pesant et le plus sympa de Ginette, c’est qu’on n’est jamais seul », témoigne Luc, élève de première année en ECS.
Une responsabilité « encadrée » et un accompagnement pédagogique important
Ce qui fait l’excellence de Ginette, c’est aussi une redoutable efficacité dans la gestion du temps des élèves. Les heures d’étude et de détente sont planifiées pour tous aux mêmes moments de la semaine : trois heures le jeudi sont dédiées aux activités extra-scolaires ; le soir, l’extinction des feux est à 23 heures pour tous les élèves de première année, « pour qu’ils ne s’épuisent pas à la tâche, et pour les obliger à travailler en temps limité, donc à s’organiser », explique Didier Cahen. « Nous faisons en sorte que les élèves ne soient jamais désœuvrés, qu’il y ait un vrai rythme », atteste Pierre Jacquemin. Quatre fois par ans, les élèves sont coachés individuellement par un préfet des études, qui fait le point sur leurs difficultés et leur moral : « les élèves sont encadrés, mais dans la discrétion : nous sommes présents, pas pesants », précise-t-il. En parallèle, Sainte-Geneviève délègue beaucoup à ses préparationnaires: « Nous voulons que nos élèves soient des acteurs du projet de Ginette, pas de simples consommateurs », explique Jean-Noël Dargnies, directeur de l’établissement. L’appellation CD, Chargé De, concerne par exemple tous les élèves : « Dans chaque classe, tout le monde est Chargé De quelque chose, explique Stella, élève en première année. Il y a un CD par matière ; le CD Travail, lui, s’occupe de l’organisation des colles. Moi, je suis CD écolo, par exemple… ». Le but ? Favoriser la prise de responsabilités et l’implication dans la vie de l’école : « Ginette est un cadre à l’intérieur duquel il y a beaucoup de libertés », résume Emmanuel Caquet, professeur de Culture Générale.
La dimension spirituelle : laisser une place à la réflexion
D’héritage jésuite, l’école donne la possibilité à ses élèves d’assister à une messe tous les matins. Deux personnes dans chaque classe sont par ailleurs chargées d’organiser la « messe de la classe » une fois par semaine. Avec environ 20 % de catholiques pratiquants et 20 % de pratiquants « occasionnels », l’école n’est pas pour autant sectaire : « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas croyant qu’on ne peut pas réfléchir au sens de sa vie », observe Jean-Noël Dargnies. Ainsi, trois quarts des élèves se rendent chaque année au pèlerinage de Chartres, au cours duquel sont organisés des groupes de réflexion mixant différentes confessions. « Le côté spirituel est complètement facultatif », précise François, élève de CPEC en 1ère année…
Et vous, seriez-vous fait pour Ginette ?
« Ce que l’on propose à Ginette n’est pas adapté à tous les élèves », précise Jean-Noël Dargnies, directeur. En plus de baser son recrutement sur des critères académiques, Ginette demande à chaque candidat de rédiger une lettre de présentation. « Nous recherchons des gens engagés, généreux, avec un fort esprit d’entraide, explique Pierre Jacquemin. Tout le monde ne peut pas s’épanouir à Ginette, en particulier les profils très indépendants.». Profiter de tout ce que l’école peut offrir implique en effet d’avoir un fort esprit collectif. Par ailleurs, les élèves provinciaux doivent savoir qu’il est quasiment impossible de rentrer chez soi le week-end, les devoirs sur table ayant lieu tous les samedis après-midi…
Chiffres clef :
2/3 d’étudiants provinciaux et 10 % d’étrangers 30 % de boursiers et 60 places en internat d’excellence De 5000 à 15000 euros par an (cantine et internat compris) Possibilité d’obtenir une bourse des anciens pour les personnes en difficulté financière
Le clivage des prépas : Paris est-elle surestimée ?
Les classements sont souvent sans appel : mises à part quelques grandes prépas de Lille, Lyon et Toulouse, les prépas parisiennes sont en général les premières à figurer dans le palmarès des meilleurs établissements de France. Un clivage indéniablement dû à la densité démographique de la capitale, regroupant de facto un nombre plus important de prépas. Une illusion d’optique ? « Il peut y avoir autant de clivages entre deux prépas parisiennes qu’entre une prépa de Paris et de province », rappelle Georges Faverjon, professeur de physique en BCPST. Pour Pierre-Jean Bravo, proviseur au lycée du Parc, « les professeurs et les élèves sont aussi bons dans les lycées avec un classement légèrement inférieur : mais le fait de se savoir dans un lieu où l’on réussit fait généralement qu’on réussit mieux, et crée une émulation positive. » Selon lui, refaire les classements en tenant compte du taux d’expulsion entre la 1ère et la 2e année changerait par ailleurs considérablement la donne, et recréerait ainsi un cercle vertueux. D’après Pierre Jacquemin, préfet des études au lycée Sainte-Geneviève, « Paris a tendance à être surestimé : le résultat est que pour entrer dans un bon lycée parisien, il faut souvent un meilleur dossier que pour entrer dans un très bon lycée de province… »
Alizée Gau