« L’économie numérique (télécommunications, audiovisuel, services sur Internet, logiciel, électronique, services informatiques) représente un des secteurs les plus dynamiques de notre économie »
Eric Besson, Ministre de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique
Quel est l’impact de ce secteur sur notre économie ?
Il a un impact sur l’ensemble sur notre croissance et notre compétitivité pour deux raisons. D’abord, le numérique est un élément essentiel de notre outil industriel et de notre capacité d’innovation. Il représente 5,2 % à notre PIB mais 7,9 % de la valeur ajoutée totale du secteur privé et un tiers des investissements en recherche et développement. Ensuite, le numérique est le principal facteur de gain de compétitivité et d’innovation des secteurs traditionnels de notre économie.
Quelle va être la stratégie numérique de la France dans les années à venir (2012-2020) ?
J’ai présenté le 30 novembre dernier le bilan de l’action du Gouvernement et la stratégie de développement de l’économie numérique à l’horizon 2020. Pour les années à venir, plusieurs objectifs sont identifiés comme stratégiques. Il s’agit de généraliser l’utilisation du numérique dans toutes les entreprises, y compris les TPE, pour les relations avec leurs clients et leurs fournisseurs, pour assurer leur visibilité sur Internet et pour leur fonctionnement interne ; de développer l’informatique en nuage (cloud computing) en soutenant l’émergence d’une offre européenne et en accompagnant les PME et les administrations dans l’utilisation du cloud computing. Il faut déployer le très haut débit fixe et mobile pour tous les Français. Il s’agit pour cela de raccorder 70 % de la population au très haut débit fixe en 2020 et 100 % en 2025 grâce au programme national très haut débit. En outre, il s’agit d’assurer le développement du très haut débit mobile en dégageant des fréquences supplémentaires, en particulier en réaménageant les bandes de fréquences affectées aux communications électroniques : des premières études évaluent le besoin à 450 MHz supplémentaires d’ici 2020. Nous devons développer la télévision numérique en passant toutes les chaînes de la TNT en haute définition, en développant l’interactivité et la mobilité, et en lançant au moins une chaîne 3D. Pour parvenir à cet objectif et pour optimiser l’utilisation des fréquences, le format de compression MPEG 4 sera généralisé d’ici 2015 et la norme de diffusion DVB-T2 d’ici 2020. Il est nécessaire d’harmoniser la fiscalité des services sur Internet en Europe d’ici 2015 avec l’application de la TVA dans le pays de consommation des services. Il convient de généraliser le télétravail dans toutes les entreprises et sur tous les emplois où il est compatible avec l’activité. Enfin, nous devons dématérialiser 100% des démarches administratives les plus attendues par les entreprises, les associations et les particuliers d’ici 2013. À l’horizon 2020, c’est l’ensemble de toutes les démarches administratives qui sera disponible en ligne.
Existe-t-il un volet social mis en oeuvre pour l’accession au numérique ?
Internet et la téléphonie mobile sont devenus des services de grande consommation, plus encore des facilités essentielles. Etre exclu du numérique est désormais source d’exclusion tout court. Plusieurs mesures ont donc été mises en oeuvre par le Gouvernement pour rendre plus accessible les services et les équipements numériques, au-delà des tarifs sociaux portant sur la téléphonie fixe qui sont déjà proposés dans le cadre du service universel. Concernant la téléphonie mobile et Internet haut débit, une démarche conventionnelle a ainsi été engagée encourageant les opérateurs à proposer une offre sociale à moins de 10 € / mois pour la première et de 23 € / mois pour la seconde. Les opérateurs bénéficient d’un label sous réserve de respecter les dispositions d’un cahier des charges présentant un fort niveau de protection du consommateur : aucun engagement de durée, ni frais d’activation ou de résiliation ne peuvent être exigés des abonnés. Pour la téléphonie mobile, l’offre sociale doit comprendre au moins 40 minutes de communications vocales et 40 SMS pour au plus 10 € / mois. L’offre est dédiée au minimum aux allocataires du revenu de solidarité active dit socle. Dix conventions ont été signées par les ministres chargés des communications électroniques et de la consommation sur cette base. Pour internet haut débit, les conditions d’éligibilité vont faire émerger des offres d’un montant maximal de 23 €, dédiées a minima aux allocataires du revenu de solidarité active (dit socle) comprenant l’accès à internet haut-débit et la possibilité de passer en illimité des appels vers les téléphones fixes sur le territoire national. Une première offre sociale d’accès à Internet sera disponible sur l’ensemble du territoire en février 2012. En outre, le Gouvernement a lancé en juin 2008 l’opération ordi 2.0, consistant à reconditionner des ordinateurs pour les ménages à revenus modestes. Ce programme, qui constitue un véritable succès, a aidé en 2010 plus de 35 000 foyers à s’équiper en ordinateurs. Les ordinateurs ainsi réutilisés sont généralement vendus à moins de 100 euros. Enfin, plusieurs actions ont été mises en oeuvre par le Gouvernement afin d’accompagner l’accès aux outils numériques, notamment en direction des populations traditionnellement les moins concernées. Ainsi, le déploiement de 6 000 points d’accès publics sur le territoire (CyberBase) et dans les prisons est en cours depuis 2010. Ces espaces sont notamment animés grâce aux portails NetEmploi et NetPublic, aux formations et au Passeport pour l’informatique et le multimédia. L’accessibilité des outils numériques pour les personnes handicapées et l’utilisation de ces outils pour améliorer leur insertion a progressé, notamment en ce qui concerne les sites de l’administration. L’Institut de l’Accessibilité Numérique, ainsi que le portail www.accessibilite-numerique.org, ont notamment été créés. Ces actions améliorent l’usage de l’Internet dans les populations jusqu’ici en retrait, comme les seniors. Le Gouvernement les prolongera avec pour objectif qu’en 2020 toute personne, quelle que soit sa localisation, son âge et son niveau d’éducation, ait accès aux services numériques.
Le numérique constitue-t-il un vivier d’emploi pour les diplômés des grandes écoles ?
Pour les diplômés des grandes écoles, le numérique est une formidable source d’opportunités pour trois raisons. Ce secteur est l’un des principaux secteurs créateurs d’emplois de notre économie. Il a créé 700 000 emplois nets en 15 ans et en créera 450 000 supplémentaires d’ici 2015. Cela correspond à un quart des créations nettes d’emplois sur les quinze dernières années. Le numérique est une source majeure de créations d’entreprises. Internet a permis, au cours des dernières années, à de jeunes diplômés de connaître des réussites extraordinaires en créant leurs entreprises. Google, Facebook ou Apple ont ainsi été créés par des étudiants de grandes universités. Le numérique se diffuse dans l’ensemble des secteurs de notre économie. Internet permet à des industries traditionnelles de vendre ses produits à un marché mondialisé. Les outils du e-marketing, notamment les réseaux sociaux, permettent de faire connaître un produit à une vitesse jamais atteinte auparavant. En outre, la dématérialisation des échanges permet de repenser et d’optimiser le mode de fonctionnement interne des entreprises. Enfin, les technologies numériques apportent de l’intelligence dans les produits et permettent de fournir des services nouveaux. Une part croissante de la valeur ajoutée dans l’industrie traditionnelle est liée au numérique. Un exemple : 20 % du coût de conception d’une automobile et 33% du coût de conception d’un avion sont désormais liés à leur électronique embarquée.
Patrick Simon