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Le bien-être des salariés est-il un levier de performance ?

La perception de la qualité de vie au travail (QVT) est consid érée comme un levier de la performance pour l’entreprise lorsqu’il permet d’attirer les talents dont elle a besoin pour se développer et est facteur d’engagement de ses salariés. Pour se réaliser, le lien entre QVT et performance doit s’inscrire dans une cohérence globale entre la stratégie, les pratiques managériales et l’organisation de l’entreprise

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D’abord une question de relations humaines
La perception de la QVT est liée à trois éléments pour les salariés :
• leur capacité d’expression et d’action dans le cadre de leur travail,
• le contenu de leur activité,
• leurs conditions d’emploi et de travail.
Les études interrogeant des salariés sur les éléments qui influent sur leur perception de la QVT sont très révélatrices : les relations humaines (avec leurs collaborateurs et avec le management) sont les premiers éléments cités. Viennent ensuite les éléments liés à la reconnaissance et au développement/progression dans le travail, puis ceux à l’équilibre de leurs temps de vie et des services aux salariés.

 

Les premières initiatives visaient à minimiser les risques
« Le bien-être est une préoccupation des salariés, mais il ne faut pas oublier que le sujet est entré dans les entreprises en 2005 suite à la médiatisation des suicides », rappelle Olivier Tirmarche, expert intervenant à Sciences Po. A partir de 2008, la réglementation pose ses contraintes. En 2010, les entreprises de plus de 1 000 salariés doivent procéder à une évaluation et à la mise en place de plans de prévention des risques psycho- sociaux. Le risque juridique supplante alors la volonté managériale. « Les dirigeants qui ont construit leurs organisations en fonction de l’équilibre coûts, qualité, délais, font face à un nouvel enjeu par le biais de la médiatisation et de la réglementation. Désormais ils doivent – aussi – protéger leurs salariés. Ils accueillent donc ce sujet sur un mode défensif et le délèguent. » Dans un premier temps, la problématique de la QVT complique la tâche des dirigeants.

 

Des conséquences décalées dans le temps
Les dirigeants forment les managers pour qu’ils gèrent les risques. Les premières politiques de bien-être arrivent à mi-chemin entre l’intention stratégique et organisationnelle. « Aujourd’hui, on est dans une période de transition, note Olivier Tirmarche. Le sujet ne disparaît pas même si on le tient à la périphérie du travail, de l’organisation. Lorsque la problématique devient pesante, a pour conséquence l’absentéisme, le  alors évident. » Le coût de la dégradation de la santé psychologique est dans un premier temps externalisé vers la sécurité sociale. « A ce cela se couple le fait que le coût (les conséquences) du stress chronique intervient bien après l’apparition des premiers problèmes, ajoute Olivier Tirmarche. Le sujet est d’abord contenu avant d’arriver jusqu’au dirigeant. » Ces deux facteurs ont largement contribué à retarder la mise en oeuvre de politiques réelles. « Ce long temps d’induction est un frein pour identifier le lien de causalité entre l’exposition au stress et la survenue de la pathologie » analyse Henri Bergeron, professeur à Sciences Po. Le lien entre bien-être et performance est donc en partie masqué par l’externalisation et le report dans le temps des effets de la non mise en place d’un management bienveillant.

 

Aujourd’hui, une large acception du bien-être
Les marqueurs d’une politique du bien-être sont aujourd’hui plus nombreux, « il ne faut pas sous-estimer la composante santé car le bien-être commence par une bonne santé, rappelle Jacques Igalens. Au-delà, le bienêtre comporte des composantes sportives et ludiques, la prise en charge de formalités administratives, juridiques ou familiales. Il ne s’agit plus uniquement de s’attacher à l’amélioration des conditions de travail ou à l’ergonomie des postes, mais il convient de s’intéresser à la personne, à sa santé et à son bien-être. »
Henri Bergeron observe une double optique dans ces politiques. « Une partie managériale donne plus d’autonomie et de flexibilité dans le travail, promeut la concertation, s’intéresse à l’ambiance et aux conditions de travail. L’autre pan s’inscrit dans une politique de communication vis-à-vis de l’extérieur, et notamment des talents que l’entreprise veut attirer, en donnant une image positive de son management. »
Une autre dimension est essentielle à la performance au travail : le plaisir au travail, le travail comme levier de l’épanouissement personnel. « Ce que chacun vit et expérimente au travail est un sujet sociétal, souligne Maurice Thévenet, professeur à l’ESSEC et au CNAM. Cela relève aussi d’une dimension éthique. La dimension humaine et d’expérience de vie au travail varie selon l’importance que lui accorde chaque dirigeant. C’est lié au type de climat social et de relations humaines qu’il souhaite voir régner dans son organisation. »

 

La performance n’est pas systématiquement liée au bien-être
« Les modèles managériaux autour du bien-être visent de manière pragmatique l’implication des gens dans leur travail, souligne Maurice Thévenet. Mais il existe aussi des modèles où ce n’est pas un sujet, des entreprises performantes et qui ne sont pas particulièrement attentives au bien-être de leurs salariés. » La flexibilité horaires, des services aux salariés ne sont pas toujours vecteurs de performance. Si l’entreprise est mal organisée, que le projet n’est pas clair, qu’il y a une mauvaise ambiance, les mesures de bien-être ne sont pas suffisantes. « Il faut une cohérence globale entre la stratégie, l’organisation du travail, le style managérial, les relations humaines » conclut le professeur.

 

« C’est la possibilité de bien faire son travail qui serait le moteur commun du bien-être et de la performance. »
Les attentes des salariés vis-à-vis du travail évoluent-elles ?
Le travail est l’objet d’une demande nouvelle de réalisation de soi et d’épanouissement personnel. Ce ne sont pas seulement les attentes subjectives des salariés qui ont changé. Les conditions objectives de travail ont changé en raison de la mondialisation, de l’intensification de la concurrence, des évolutions sociétales et de l’utilisation des nouvelles technologies.
Quelles sont les politiques du bien-être efficaces et pourquoi ?
Les politiques managériales les plus efficaces sont celles qui permettent aux salariés de mieux faire leur travail, et ainsi, de mieux répondre aux besoins des clients, usagers ou patients. Ces politiques fidélisent les salariés, mais ne sont guère visibles de l’extérieur. Ce qui est plus visible, ce sont les mesures d’aide à la conciliation ou au bien-être. Mais elles ont leur revers : on les accuse d’être mises en oeuvre à des fins d’image et de communication ; certaines exacerbent un sentiment d’immixtion dans la vie privée ou un renforcement des exigences professionnelles de l’employeur ; elles peuvent susciter un sentiment d’injustice lorsqu’elles ne profitent qu’à certains salariés.
La décision d’impulser un management bienveillant doit-elle venir du dirigeant pour être effective ?
Oui ! L’autorité managériale signifie étymologiquement augmenter, élever, faire grandir ses collaborateurs. C’est le cas, lorsque les managers donnent à leurs collaborateurs la possibilité de faire ce qui leur semble important dans l’exercice de leur métier. Un dirigeant peut aider les managers à exercer cette autorité bienveillante en ne les sollicitant pas de façon démesurée avec des réunions, du reporting, des enquêtes, des audits. Le dirigeant a également un rôle à jouer en fixant des objectifs suffisamment précis et en mettant en évidence la contribution organisationnelle et sociétale des différentes activités de travail.

 

A. D-F