Le numérique, un second souffle pour la croissance
Internet est devenu indispensable et stratégique pour l’ensemble de la société, que ce soient les administrations, les entreprises (innovation, veille concurrentielle, raccourcissement des cycles de création et de production, développement des produits et des services, remontées des clients) ou les particuliers.Dans un contexte de crise, et particulièrement en période de ralentissement économique durable, il est vital de miser sur un programme d’envergure pour le numérique en dégageant des ressources, quitte à remettre à plat les fonctionnements surannés d’une société en panne de croissance. Les investissements dans les infrastructures, les services et les contenus, l’ouverture des données publiques et la recherche d’une fiscalité favorable, tant pour les citoyens que les sociétés étrangères s’implantant sur le territoire, constituent un préalable. Aujourd’hui, un quart de la croissance est, selon un rapport de McKinsey publié en 2011, lié au numérique, même s’il convient de relativiser avec le principe de destruction créatrice de Schumpeter et la disparition d’emplois dans les secteurs traditionnels qui en résulte. Demain, ce sera plus de la moitié.
Le numérique oblige les Grandes Écoles à se réinventer
Nous allons assister à la convergence des réseaux (électrique et informatique) pour aboutir à des réseaux électriques intelligents ou « smart grids ». Les box Internet à domicile devraient également converger vers ces fonctions doubles. La régulation d’Internet sera confrontée à la régulation de l’énergie qui devient une ressource rare avec des périmètres sous l’influence de pouvoirs d’industriels qui seront repensés. Et parallèlement à la montée de la fabrication des objets en 3D comme décrit par Chris Anderson dans son dernier ouvrage, Makers, qui augmenteront le champ des possibles. D’un point de vue des formations, nous avons déjà assisté à la naissance de l’Institut Mines-Télécom. Ces rapprochements, vecteurs de synergies, vont se poursuivre pas seulement pour des logiques économiques mais aussi par rapport aux besoins des recruteurs qui traduisent l’évolution de la société. Les Grandes Écoles, d’ingénieurs en particulier, vont devoir se réinventer sous l’impulsion du numérique sachant que les cycles d’innovation se raccourcissent. La valeur ajoutée, davantage immatérielle, réside plus en la capacité à retraiter l’information et lui donner une signification dans un contexte particulier tout en interagissant avec un écosystème d’acteurs.
Au cœur, la géopolitique d’Internet pour comprendre les enjeux de la société
Le sujet de géopolitique d’Internet est complexe car certains intérêts sous-jacents et par ailleurs évolutifs (du fait des changements législatifs, de la régulation, des modèles économiques, des choix techniques des acteurs, des matières premières utilisés par l’industrie du numérique dans son ensemble, etc.) ne sont pas visibles pour le simple internaute. Pourtant ils conditionnent les usages et la société de demain. Ainsi nous avons vu en 2012 la fermeture du site de téléchargement MegaUpload (4 % du trafic Internet), le passage à IPv6 pour répondre à la pénurie d’adresses IP, la libéralisation des noms de domaine par l’ICANN avec la préréservation par des marques et d’organismes de .paris, .apple et autres mais aussi le réexamen du Règlement des Télécommunications Internationales par l’UIT à Dubaï qui n’avait pas été modifié depuis 1988. En 2013, nous allons voir l’apparition de la monnaie virtuelle (Coins) du géant Amazon qui devrait à terme dépasser Walmart, une présence de Google et d’Apple pour ne citer qu’eux sur tous les fronts. Et la poursuite de la croissance des géants asiatiques comme Samsung Electronics. Il ne se passera pas un jour sans une annonce dans le monde du numérique.Les ingénieurs, avec leur formation, sont bien armés pour comprendre les enjeux et les évolutions de la géopolitique d’Internet. Néanmoins, il est nécessaire d’observer une approche transverse et pluridisciplinaire : technique mais aussi historique, économique, juridique et marketing. C’est en cela que la formation d’ingénieur tout en gardant sa spécificité de spécialiste doit évoluer. Avec une approche plus transverse les nouveaux ingénieurs seront plus à même d’œuvrer et d’être créateurs de valeur sur les plateaux projets et les ateliers de créativité des entreprises où se côtoient ingénieurs, concepteurs/développeurs, marketeurs, designers, etc.
4e de couverture de Géopolitique d’Internet
Internet est devenu indispensable et vital au même titre que l’eau et l’électricité. Son accès est nécessaire pour l’exercice d’activités et de droits fondamentaux.
Ses modalités : des enjeux sociétaux majeurs. En triompher suppose une gestion impartiale et équitable des ressources critiques que sont les serveurs racines, les infrastructures, le système de noms de domaines et les protocoles Internet : autant de questions sensibles de la « gouvernance d’Internet ».
Le mot est lâché : l’expression désigne « l’élaboration et l’application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et programmes communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation d’Internet ». L’importance économique et sociale du réseau des réseaux nous oblige à appréhender cette notion et ses enjeux. Ce livre, premier du genre en langue française, analyse pourquoi Internet est actuellement asservi à l’omnipotence de l’ICANN et des grandes entreprises américaines (telles que Google, Microsoft, Apple, Amazon, Facebook). Elles savent capter et monnayer la valeur apportée par les internautes, sur fond de percée d’acteurs asiatiques. Et développent des plateformes propriétaires, en emprisonnant les internautes ou en entravant la neutralité du net. Ces entreprises qui se livrent d’âpres batailles (opérateurs télécoms face aux acteurs du Web qui créent la valeur en bout de chaîne) ont tendance à prendre l’avantage sur les instances de régulation. Tout en analysant le rôle sociétal d’Internet (Printemps arabe, WikiLeaks, cyberguerres, primauté de l’usage sur la détention d’un bien, etc.), l’auteur livre des scénarios pour le futur et invite à un sursaut de l’Europe qui a un rôle à jouer (Internet des objets, big data, valeurs sociétales…). La survie de notre continent est en jeu !
David Fayon (Télécom ParisTech 93, IAE de Paris 98)
@fayon, www.davidfayon.fr
Responsable Prospective et Veille à la DSI de La Poste Courrier et membre du think tank Renaissance numérique. Vient de publier Géopolitique d’Internet, Economica, préfacé par Joël de Rosnay