Spécialiste du traitement de l’image, Laurence Hafemeister s’intéresse aux sciences cognitives et travaille sur la perception des images. Cela l’amène à créer des systèmes bio inspirés qui dotent des robots d’un comportement humanisé. Elle laisse en revanche sa nature parler en tant que directrice « très humaine » de l’ENSEA.
Passionnée de médecine et de sciences, Laurence Hafemeister rejoint la filière en ingénierie biomédicale de l’UTC après un cursus à l’université de Grenoble. Durant un séjour d’un an à l’université du Michigan, elle découvre sa future expertise scientifique : le traitement de l’image. « J’ai réalisé mon stage à l’hôpital universitaire aux côtés d’un physicien qui travaillait sur l’analyse de données issues de spectroscopie RMN. Cela m’a donné envie d’approfondir mon expertise dans ce champ pluridisciplinaire. »
« Mes parents qui n’étaient pas des scientifiques, m’ont poussée dans mes études sans à priori et m’ont incitée à être très autonome. » Une autonomie qui se traduit par un tempérament volontaire. Un trait de caractère déjà perçu par sa professeur principal de 6e. « Pour les élections, elle avait demandé aux élèves de choisir des délégués « sérieux, travailleurs, de confiance ». Et à ma surprise j’ai été élue ! Ca été le début de ma « carrière » de déléguée. J’ai aimé ce rôle : gagner la confiance du proviseur, être responsabilisée, représenter les autres. »
Un robot qui apprend
A son retour en France, elle prépare une thèse au sein du laboratoire ETIS de l’ENSEA et de l’université d’Orsay. « Je retrouvais la démarche qui me plait : aider un professionnel à révéler ce que recèle une image. L’objectif étant d’automatiser l’extraction d’information. Mais la perception et les connaissances à priori de la personne qui regarde l’image sont des biais qui font défaut à un système d’analyse. » Pour comprendre ces biais, elle s’ouvre aux sciences cognitives.Laurence Hafemeister va travailler sur la vision avec l’équipe Neurocybernétique d’ETIS qui construit des modèles et systèmes bio inspirés. « L’idée est de s’inspirer du comportement humain pour développer des robots qui adaptent leur comportement en fonction de leur environnement et apprennent de leurs expériences. » Le travail de la chercheuse se fonde sur les mécanismes cérébraux de la vision. Le robot est doté de caméras, et peut se déplacer. Il récupère et traite des informations pour agir dans et en fonction de son environnement. « Ce système dynamique et évolutif rend ses actions plus efficaces. Il « sait » que son action change son environnement et l’intègre. »
Transmettre la capacité de recul et de prise de conscience
En tant qu’enseignante, elle dispense notamment un électif en sciences cognitives très apprécié. « Un ingénieur doit trouver des solutions à des problèmes complexes. On attend de lui de l’expertise, de l’excellence, de l’efficacité, de l’innovation. Les sciences cognitives lui ouvrent des perspectives nouvelles. L’approche pluridisciplinaire permet aux élèves de découvrir des solutions moins classiques, d’aborder des questions d’éthique, de se responsabiliser en envisageant l’impact de certains choix. »
Les ENSEA, ingénieurs du futur, ce n’est pas de la science-fiction
Engagée pédagogiquement, Laurence Hafemeister a été responsable d’un département et membre du CA. Elle a aussi envie de « dynamiser l’école, de susciter et accompagner les changements au plan pédagogique, de poursuivre une politique de partenariat ». Pour ce faire, elle se présente pour succéder au directeur et est élue en mai 2014 première femme directrice de l’ENSEA. « Ingénieur est un métier fabuleux en prise avec toutes les fonctions de l’entreprise : R&D, production, management, marketing, vente… Notre champ disciplinaire, l’électronique, ouvre grand le champ des possibles. Source d’innovation, il s’imbrique avec la mécanique et l’informatique dans les grands projets actuels et de demain les usines 4.0, la robotique, les dispositifs médicaux, les objets connectés, les véhicules électriques autonomes, les interfaces intelligentes, les systèmes et réseaux de communication, etc. Chaque diplômé de l’ENSEA peut trouver un métier correspondant à ses aspirations ! »
« Droite dans ses bottes »
Sur 10 professeurs d’université, l’ENSEA ne compte qu’une femme, l’ex-directrice du laboratoire ETIS en congé sabbatique, Inbar Fijalkow. « En plus d’être intelligente et de savoir être à l’écoute, la qualité de Laurence que j’apprécie le plus est qu’elle est très saine intellectuellement, « droite dans ses bottes ». Elle réfléchit et propose ce qui lui semble juste et sait défendre l’intérêt commun. Cela fait 20 ans que j’apprécie la qualité et la pertinence de ses réflexions. On a passé pas mal de pauses café à rêver et refaire le monde de nos missions d’enseignantes-chercheuses. Se lancer à la direction de l’établissement est l’aboutissement de son investissement à l’ENSEA. Si une personne peut donner envie aux personnels de l’ENSEA de s’y investir, moderniser l’enseignement, proposer des perspectives d’avenir, c’est bien elle ! »
A.D-F
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