Jacques Attali
Jacques Attali

La finance en question

« Pour les élèves des grandes écoles, les métiers de la finance sont intéressants car il y a un grand besoin de cadres dans le système bancaire, notamment dans le domaine de la microfinance. »
Jacques Attali

 

Les réformes financières sont-elles bien avancées ?

 Jacques Attali
Jacques Attali

Les réformes financières sont aujourd’hui extraordinairement sommaires, effectuées de façon différente d’un pays à l’autre, sans aucun moyen, sans aucune force, ce qui implique la nécessité de  créer véritablement les conditions pour qu’elles deviennent mondiales. D’ailleurs, le ministre des finances américain vient de commencer à se plaindre de ce que les banques ne peuvent pas créer les conditions d’une règlementation qui serait mondiale. Si les banques américaines étaient poussées à aller faire leurs « turpitudes » ailleurs, ce serait désastreux mais c’est ce qui va se passer. Il faudrait un pouvoir mondial pour maîtriser la finance mondiale.

 

 

Les métiers de la finance toujours intéressant pour les élèves des Grandes écoles ?
Pour les élèves des grandes écoles, les métiers de la finance sont intéressants car il y a un grand besoin de cadres dans le système bancaire, notamment dans le domaine de la microfinance… mais à la condition d’être une finance utile. Les financiers doivent se poser la question, comme dans toute entreprise humaine ou privée, de savoir à quoi ils servent. Faire uniquement de l’argent pour faire de l’argent, ce n’est pas utile mais faire de l’argent pour recouvrir des risques, pour aider à mieux financer les entreprises, relève de l’utilité sociale, question toujours fondamentale.

 

« Je pense que la finance et l’éthique
sont parfaitement conciliables. »

La microfinance en est la preuve. Dans le reste de la finance, c’est parfaitement compatible. La finance est fondamentale car sans elle, il n’y a pas de développement économique. La spéculation elle-même n’est pas mauvaise puisque spéculation philosophique signifie réflexion et spéculer consiste à prévoir l’avenir. Or, la finance est faite pour ça, à condition qu’elle couvre les risques.

 

L’état de la microfinance… avec PlaNet Finance
PlaNet Finance qui regroupe près de 2000 salariés, est la première institution planétaire de lutte contre la pauvreté par la microfinance. Nous travaillons dans 80 pays représentant tous les métiers possibles et imaginables et nous aidons plusieurs millions d’entrepreneurs. Il y a 180 millions d’entrepreneurs dans le monde et nous avons aidé cette année directement ou indirectement plus de 10 millions de micro entrepreneurs en les finançant, en les assistant et en conseillant les institutions qui les financent.

 

« Demain, qui gouvernera le monde ? »

Un tel titre annonce-t-il un livre visionnaire ?
Ce n’est pas à moi de dire si mon livre est visionnaire mais ma perspective personnelle consiste à essayer de montrer que le monde ne peut pas rester dans un état d’absence de règles de droit. Cette règle de droit ne pourra pas être imposée par un « empereur mondial » ou tel pays gouvernant le monde car personne n’aura plus la force de le réaliser. Dans ces conditions, il est évident que cela va déboucher soit sur le chaos, soit sur une règle voulue et acceptée par l’ensemble des Etats.

Le livre se partage entre pessimisme et propositions ? Quel est votre choix ?
Le pessimisme est une attitude de spectateur ; je ne suis donc pas  pessimiste étant moi-même un acteur. Je ne prétends pas que tout va aller mal car je préfère affirmer qu’on peut toujours réaliser un certain nombre de choses. D’ailleurs, je passe mon temps à le faire puisque j’ai créé PlaNet Finance qui a vocation d’agir. Notre rôle sur terre consiste non seulement à énoncer les problèmes mais à les résoudre. Quand j’annonce que d’ici dix ans, les choses peuvent aller très mal, ce n’est pas du pessimisme, c’est au contraire faire acte de lucidité. Le chaos menace et j’en parle pour qu’on agisse avant qu’il  s’installe.

Quelle éthique pour une gouvernance mondiale ?
L’articulation entre unité et diversité est fondamentale : l’unité de l’humanité, c’est-à-dire  sa solidarité ; sa diversité, c’est-à-dire le fait de tolérer que les gens soient différents.

Au sujet de la couverture de l’ouvrage…
Ce n’est pas moi qui dirige l’orchestre sur la couverture qui symbolise la direction du monde, qu’on espère harmonieuse. Il m’arrive de diriger des orchestres de temps en temps ; je suis pianiste… j’ai une passion pour la musique et pour les choses difficiles.

 

Patrick Simon