La « Rhumerie », endroit très parisien du boulevard Saint Germain… j’attends cette jeune fille Russe, Yulia Pleshakova, qui a décidé de venir passer un BTS au lycée Carcado-Saisseval en France. 14h05, à travers les grandes bais vitrées, j’aperçois une blonde aux cheveux bouclés, qui semble chercher… elle entre, un signe… elle sourit… « Exquiousez-moi du retard… » L’accent russe avec les U prononcés IOU, charmant.
Je lui propose de prendre un punch de notre beau pays martiniquais. Elle refuse d’abord « Je ne suis pas très portée sur les vins et alcools, car je peux m’amuser sans… surtout que les Français pensent que les Russes boivent beaucoup… et je dois leur proposer une autre image. » Elle se laisse tenter « mais avec très peu d’alcool alors… » Ses yeux bleus s’éclairent, un rayon de soleil les rend plus brillants.
La sibérienne attitude
Elle vient de Sibérie, la région mythique de Russie que l’on imagine comme une vaste étendue blanche et glacée, un peu mystérieuse, dangereuse… avec ses légendes et ses contes populaires, son histoire… « Ma région sibérienne a la même taille que la France… comme partout la vie s’y déroule au rythme du travail et des sorties au cinéma, piscine, boîte de nuit… mais nous passons aussi beaucoup de temps à faire du jardinage à la belle saison… car nous avons un climat continental, très chaud l’été avec + 36 et froid l’hiver avec – 46. »
Qui est-elle ?
Je veux connaître ses hobbies ! « J’aime bien la natation, et dessiner des animaux. En Sibérie, on n’a pas beaucoup d’animaux à cause du froid… quelques biches et des ours qui sortent de leurs repaires… j’ai lu dans un journal qu’on a retrouvé seulement les chaussures d’une jeune fille revenue à pieds d’une discothèque proche de la forêt. » Et sa famille ?… « J’ai un frère aîné ; mon père travaille dans le transport de bois et ma mère est enseignante dans une école maternelle… avec des salaires moyens de 300 euros après 25 Yulia a suivi des études de professeur d’anglais à l’Université de Tomsk et travaillé un an comme enseignante dans une école… puis attirée par la France et avec la volonté de faire une carrière plus intéressante. « Je suis partie en France d’abord comme fille au pair, en choisissant ce pays car c’est le pays d’Europe où l’on entre le plus facilement… je voulais voir cet endroit qui attire beaucoup de monde avec Paris, tout en améliorant ma connaissance de la langue française. »
Pourquoi choisir un BTS ?
Elle s’explique. « En Russie le Bac +2 n’est pas aussi prestigieux qu’en France. Il concerne les élèves qui n’ont pas réussi des parcours universitaires, alors qu’en France, les études universitaires ne proposent rien comme pratique professionnelle sinon les licences pro où je compte m’inscrire l’an prochain. »… à moins qu’elle ne trouve un travail intéressant dans les métiers du commerce international et de la logistique. Pour payer ses études, elle est caissière à Intermarché « tous les week-end, quelquefois en soirée et durant les vacances. » Bien sûr, elle aurait voulu utiliser ses diplômes et ses compétences mais « pour enseigner en France, il me fallait encore 2 ans d’études pour obtenir des équivalence en diplôme… j’ai donc choisi de faire des études de commerce international en BTS qui me permettent d’acquérir de nouvelles compétences, tout en poursuivant mon cursus en pratiquant l’anglais. »
Souvenir, souvenir…
Le plus agréable et naïf : « Voir la mer avec de grosses vagues à Mimizan ! » Et elle a apprécié de faire du Ski en Savoie. Le moins agréable : « Mes problèmes pour obtenir un visa, car l’administration française est très bureaucratique et tatillonne. »
Original :
la cuisine française et notamment les fromages. « Car en Sibérie, nous avons le choix entre deux fromages dont un vient de Hollande, ce qui réduit les choix ! »
La période communiste :
« La génération qui l’a vécue, comme celle de mes grands-parents, semble nostalgique de cette puissance et de leur jeunesse… mais personne ne pense à revenir en arrière. »
Sur la France…
Les Russes voient les Français « bien habillés, très polis, bien élevés, très intelligents et parfumés… car on a l’image de la France comme le pays des parfums. Certaines de vos universités et les grandes écoles sont réputées en Russie. » Ils apprécient nos auteurs -Alexandre Dumas- et les acteurs comme Louis de Funès, Gérard Depardieu… Vaincre l’armée napoléonienne a constitué « une petite victoire pour les Russes qui considèrent que la France est riche, puissante, luxueuse. » Elle ne parle pas de politique… mais pense que « Poutine est apprécié par les jeunes Russes… » Elle regarde sa montre. Il est l’heure de se quitter… « Je dois retourner à mon travail. »
So long Yulia !
Patrick Simon
Contact :
yuliapleshakova@gmail.com