MONSIEUR LE SÉNATEUR ET PREMIERMINISTRE JEAN-PIERRE RAFFARIN ÉVOQUE DIFFÉRENTS ASPECTS ET PARTICULARITÉS D’UN PAYS INCONTOURNABLE POUR LES ÉTUDIANTS ET LES ENTREPRISES : LA CHINE !
Pourriez-vous nous préciser l’intérêt du comité France-Chine que vous présidez ?
Il s’agit du rassemblement des acteurs de l’activité économique franco-chinoise. On y trouve l’ensemble des grandes entreprises françaises implantées en Chine. Son intérêt consiste à organiser tous les ans une visite des dirigeants des grandes entreprises françaises qui rencontrent ensemble les dirigeants chinois. Si on reproche souvent aux Français de ne pas chasser en « meute » à l’étranger, nous avons là un exemple où tous les patrons français des grands groupes (Schneider Electric, EDF, Veolia, BNP Paribas…), promeuvent conjointement leurs entreprises. Je développe d’autres actions économiques en Chine, notamment en faveur des PME.
Les français connaissent-ils aussi bien la Chine que les Chinois la France ?
Si les dirigeants chinois connaissent bien la France, son histoire et sa culture, je ne peux pas en dire autant des Français qui ne se font pas toujours une idée précise de la culture et de la société chinoises. Ainsi, le président de la République française, François Hollande, s’est rendu en Chine pour la première fois de sa vie en 2013. Le fait qu’on puisse arriver au sommet de la République française sans jamais être allé en Chine auparavant, me paraît singulier. La connaissance de la Chine progresse rapidement aujourd’hui en France grâce à la présence des jeunes étudiants chinois qui échangent avec nos jeunes compatriotes. Dans quels domaines serait-il souhaitable de développer des partenariats entre la Chine et la France (luxe, industrie, militaire, culture…) ? Les partenariats sont importants dans tous les grands secteurs industriels tels que l’aéronautique, le nucléaire ou l’automobile. Pour moi, les secteurs d’avenir concernent le tourisme (le Club Méditerranée a ouvert un village en Chine, par exemple), le développement de la ville durable (Smart City), la qualité de l’environnement urbain faisant appel à des champions français comme EDF, Suez, Veolia, Schneider Electric ou Bouygues, et l’agroalimentaire dans la mesure où la qualité de la nourriture devient une priorité en Chine à la suite de nombreux accidents sanitaires.
Scoop !
Au mois d’octobre 2014, nous organiserons à Chengdu, capitale provinciale du Sichuan, un sommet des PME où 1 000 PME chinoises et françaises se rencontreront à l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France.
Depuis quelques années la Chine évolue vers encore plus de démocratie et de transparence. Pensez-vous que ce processus va continuer ?
Il existe une véritable société civile chinoise qui s’exprime et devient de plus en plus actrice du débat public, notamment à travers les réseaux sociaux. Le processus d’expression de la société civile chinoise ne s’arrêtera pas et constitue un facteur très encourageant des progrès démocratiques à venir.
Les échanges d’étudiants entre la Chine et la France ainsi que les implantations de campus en Chine se sont largement développés. Estimez-vous que des efforts restent à faire pour accroître ces types de coopération ?
Les campus français se développent en Chine de façon très positive. L’exemple d’excellence à mettre en exergue concerne l’école Centrale Pékin qui propose une formation de haut niveau proche de ce qui se fait à Paris. D’autres initiatives sont en cours. Il s’agit d’une perspective d’avenir car il s’avère important de former de jeunes chinois à notre culture.
Faire une partie de ses études en Chine constitue-t-il un atout majeur pour un étudiant de grande école ?
Pour tout étudiant qui envisage de faire une carrière internationale, un séjour pédagogique par la Chine devient un passage obligé car dans ce pays, il peut bénéficier de contacts professionnels, se forger des réseaux et trouver des idées qui s’utilisent dans le monde entier. De plus, une génération nouvelle arrive aux responsabilités mondiale de leur avenir de démarrer leur carrière avec un réel atout.
Quels sont les diplômes français les plus recherchés par les entreprises chinoises ou pour les entreprises installées en Chine ?
Si les écoles d’ingénieurs peuvent profiter de la pénétration de l’école Centrale en Chine pour s’y implanter, nos écoles de commerce sont également réputées. HEC qui constitue dans le monde une marque de premier plan, bénéficie de son influence en matière de formation continue. L’ESCP Europe profite de sa marque européenne car de nombreux étudiants chinois souhaitent intégrer le label Europe dans leur cursus.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant voulant travailler en Chine (méthode de recherche, secteurs intéressants, financement, lieu de travail…) ?
Il existe de multiples opportunités dans toutes les grandes villes de Chine. Certaines villes comme Tianjin, où la présence d’Européens n’est pas massive, connaissent des taux de croissance très importants. On peut également travailler dans de grands groupes allemands ou italiens implantés en Chine car ils intègrent des diplômés Français dont la formation est renommée. L’urbanisme, l’agroalimentaire et les technologies nouvelles sont les secteurs les plus porteurs. Je note également l’attrait des chinois pour le secteur des investissements. Pour renforcer une expérience dans les métiers de la finance, le passage obligé par Londres peut être contourné par un séjour en Chine.
ESCP Europe, qui a conclu un partenariat avec la Tongji University de Shanghai, pourrait-elle s’implanter d’une autre façon en Chine dans le cadre d’un campus associé par exemple ?
Il existe un fort potentiel de développement pour ESCP Europe qui doit faire en sorte que sa présence en Asie soit compatible avec sa dimension européenne. La force et l’originalité du projet ESCP résident dans ses campus européens qui doivent être associés à ses actions en Chine pour que la formation devienne une formation sino-européenne.
De nombreux étudiants Chinois cherchent à venir en France pour faire des études de très haut niveau dans les écoles comme l’X, Sciences Po, ECP, ESCP Europe, ESSEC et HEC Paris. Cela ne caractérise-il pas l’excellence mondiale de ces écoles ?
Je pense qu’il s’agit d’un phénomène très positif. Les deux derniers présidents de la République française se sont engagés à recevoir 50 000 jeunes chinois en France chaque année, ce qui constitue une augmentation significative. Les étudiants et les écoles trouvent là une culture complémentaire à intégrer De plus, tous ces jeunes formés dans les écoles françaises deviendront à terme des partenaires attentifs pour nos entreprises. Il s’agit d’une stratégie d’investissement pour l’avenir, l’étudiant étranger devant être le bienvenu en France.
Faut-il avoir peur de la Chine ?
Il ne faut pas avoir peur de la Chine qui n’est pas un pays belliqueux. Dans toute son histoire, elle n’a jamais eu d’attitude conquérante. Elle a découvert l’Afrique avant nous sans pour autant y établir des colonies. La Chine n’a été en guerre que lorsqu’elle a été envahie. C’est une très vieille civilisation que l’Occident connaît mal, et la pire des choses serait de l’enfermer derrière sa très grande muraille sans répondre à sa politique d’ouverture. Il faut acquérir cette dimension chinoise dans notre culture, ce qui ne veut pas dire la copier, ni la suivre sur tous les points, mais nous devons la connaître pour discuter avec elle, défendre nos idées et promouvoir nos produits.
Quand j’étais étudiant à l’ESCP, Jean-Jacques Servan-Schreiber qui venait de publier le « Défi américain », m’avait prévenu de la part d’Amérique de mon avenir ; ce qui m’a été très utile car c’est de cette façon que j’ai compris le marketing, le rock ‘n’ roll, l’informatique et tout ce qui est arrivé dans notre avions été préparés. De fait, je pense qu’au cours du XXIe siècle la Chine deviendra sans doute la première économie du monde. Avec ses produits et ses finances, elle fera avancer un certain nombre d’idées que recèle sa culture. Je souhaite que votre magazine puisse répondre à cet objectif en prévenant les jeunes d’aujourd’hui de la part d’Asie de leur avenir. Il faut aussi organiser leur séduction dans une attitude d’éveil et non pas de surprise ou de peur.
Patrick Simon