L’utilisation des jeux de négociation en fusions-acquisitions

L’innovation pédagogique que nous avons mise en place s’adresse à des étudiants se spécialisant en finance d’entreprise (Corporate finance) pour un cours de fusions-acquisitions (M&A). Elle combine la finance, la négociation et la théorie des jeux.

Lors d’une acquisition, il est fréquent que l’opération fasse l’objet d’une négociation directe entre l’acquéreur et la cible, surtout lorsque l’offre publique d’achat (OPA ) ou d’échange (OPE) a initialement échoué. Une telle négociation comporte naturellement une partie technique (valorisation de la cible, détermination de ratios d’échange, etc.) mais également des clauses non directement financières, comme par exemple le mode de paiement (en cash ou en titres), la durée de blocage des titres admis en paiement ou tout autre arrangement.

 

De l’étude de cas à la mise en situation
La pratique pédagogique utilisée jusqu’à lors dans les cours de fusions-acquisitions consistait généralement à faire des apports de connaissance techniques et à discuter différents cas illustrant la mise en application des concepts financiers étudiés. Même si cette pratique permettait un bon apprentissage elle comportait quelques limites car elle tendait à réduire la discussion autour de points techniques et à évacuer la dimension relationnelle qui existe dans toute négociation. L’idée était également de rendre les étudiants actifs et engagés par rapport à leur apprentissage disciplinaire. Pour cela rien de tel que de les placer dans une posture de responsabilité par rapport à leur développement de compétences techniques et de soft skills. Le jeu de négociation financière permet de combiner grâce à une mise en situation l’apprentissage des techniques financières et celui de la négociation.

 

Acheteur ou vendeur : un rôle à jouer
Ainsi, au lieu de faire travailler les étudiants sur un cas et les placer en « experts », on les place en position de négociateurs : acheteur et vendeur. Le jeu, est basé sur un cas réel et oblige les étudiants à se glisser dans la peau des acteurs. Comme nous le disons à nos étudiants, pour bien négocier encore faut-il savoir ce que l’on veut obtenir, ou encore quels sont les objectifs poursuivis. Naturellement, les objectifs des acheteurs et des vendeurs ne sont pas identiques. Par exemple, le mode de paiement (cash et/ ou titres) peut ne pas avoir le même poids pour les protagonistes ; comme du reste le prix de la transaction. La structure d’objectif de chaque négociateur est donnée par la fiche de rôle. De même, chaque négociateur connait l’utilité (sur une échelle de 1 à 10) qu’il retire d’un accord sur une clause. Bien évidemment les fonctions d’utilité des acheteurs et des vendeurs sont opposées.

 

La preuve pas l’exemple
Par exemple, l’idéal pour les actionnaires de la cible est de donner le moins possible d’actions contre une action de l’initiateur. Dans le jeu, ils doivent négocier trois clauses indépendantes qu’ils peuvent plus ou moins lier. Il s’agit donc d’un jeu à 2 joueurs sur 3 clauses qui permet un grand nombre d’arrangements. Chaque partie connait sa structure d’objectif et les fonctions d’utilité de chaque clause qui sont secrètes. En fonction de l’accord négocié ils obtiennent donc un score sur 10 qui est leur note de négociation. Il s’agit donc d’un intéressement direct. En cas de non accord, la note est de 0 pour chaque partie ; autant dire que même un mauvais accord reste préférable à pas d’accord du tout ! Les élèves sont répartis en groupes de négociation lors de la remise du cas. Chaque groupe est composé de négociateurs de la cible et de l’acquéreur. Pour un groupe de 32 étudiants cela fait donc 8 négociations en parallèles. Au cours du debriefing on observe généralement des résultats contrastés entre les groupes. Il est aussi possible de filmer les étudiants en train de négocier de façon à leur montrer leur comportement de négociateur. De l’avis des étudiants, le jeu et son système d’intéressement, ainsi que l’aspect concurrentiel des groupes de négociation, permet une très forte implication.

 

Par Michel Albouy,
professeur de finance à Grenoble Ecole de Management