L’Université Paris Diderot, en partance pour l’avenir

LE GRAND ENTRETIEN : VINCENT BERGer

 

« Au cours de mon second mandat, je me suis engagé à privilégier la pluridisciplinarité, à développer la diffusion du savoir dans la société et à co-construire une université unifiée collégiale et démocratique, Sorbonne Paris-cité. »
Vincent Berger, Président de l’université Paris Diderot

 

Vision d’avenir
Quelle est votre définition personnelle de l’université ?
L’université a pour objectifs l’élaboration et la diffusion du savoir pour toutes et tous, le partage de la connaissance avec le plus grand nombre. Si l’université a pour missions premières le développement de la recherche scientifique, la formation des étudiants et leur insertion professionnelle, il ne faut pas oublier que la diffusion du savoir en général fait progresser l’ensemble de la société en lui permettant de s’approprier les grands choix démocratiques ; il ne s’agit pas seulement d’une question d’économie mais également de démocratie !

Qu’attendez-vous prioritairement de cette grande réflexion que constituent les Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche dont vous êtes le rapporteur ?
Il était impératif de libérer la parole. L’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche a subi ces dernières années de nombreuses réformes dont certaines ne répondaient pas et ne lui permettaient pas d’accomplir ses missions. Elle avait le sentiment de ne pas s’être assez exprimée, de ne pas avoir été entendue, par manque de discussion et de dialogue. Ainsi, on constate qu’avec 20 000 participants aux réunions publiques territoriales ou nationales et plus de 100 organisations auditionnées, ces Assises ont produit 1300 contributions écrites. Dans ces conditions, un grand nombre de propositions, émises et partagées par le plus grand nombre, vont permettre de travailler sur des bases saines et de mener à bien un certain nombre de réformes dans le cadre d’une confiance restaurée.

 

Les partenariats universitaires
Ayant pratiqué le monde de l’entreprise avant d’enseigner à l’université, allez-vous favoriser la rencontre de ces deux mondes à travers des partenariats ?
J’ai travaillé 12 ans au sein de l’entreprise Thales où je cherchais déjà à favoriser des partenariats avec les universités. Ce type de rencontre me paraît extrêmement important car on trouve des modes de fonctionnement et d’approche complémentaires à l’entreprise et à l’université. Les collaborations pouvant exister entre ces deux organisations de recherche professionnelles permettent à chacune d’en bénéficier. Pour développer ces échanges, nous avons créé à Paris Diderot, entre autres, une fondation dont l’une des missions est de développer et nouer des partenariats avec les entreprises. Nous envisageons également de nommer un ou une vice-présidente aux relations entre l’université et les entreprises. Si nous sommes membres fondateurs d’une société d’accélération des transferts technologiques, nous signons également de nombreux contrats de recherche avec les entreprises. Il faudrait faire encore progresser la mobilité entre les chercheurs d’universités et les chercheurs d’entreprise pour qu’ils passent alternativement dans chaque structure dans le cadre d’un échange de nos ressources humaines. Enfin, tous les cursus de l’université Paris Diderot comportent des stages obligatoires qui enrichissent nos relations avec les entreprises, un service important s’occupant des étudiants et étudiantes dans leur recherche de stages.

Voyez-vous les grandes écoles comme des partenaires, des concurrents ou des acteurs différents de l’enseignement supérieur ?
Les grandes écoles et les instituts constituent des partenaires privilégiés pour l’université. Je prends pour exemple le pôle de recherche et d’enseignement supérieur Sorbonne Paris-Cité dont nous faisons partie et qui comprend également Sciences Po, l’EHESP, l’INALCO et l’IPGP. Cet ensemble Sorbonne Paris Cité traduit une dynamique de regroupement avec les grandes écoles. Par ailleurs, de nombreux travaux communs sont menés par nos laboratoires et ceux de grandes écoles, par exemple en physique avec l’ESPCI ainsi qu’en mathématiques et en physique avec l’ENS Ulm. Ce rapprochement scientifique entre grandes écoles des universités est bénéfique tant en terme de partage scientifique que de partage des moyens et des coûts.

Quelle est votre stratégie à l’international ?
En 2009, lorsque je suis arrivé à la présidence, j’ai constaté qu’il existait de multiples accords de différents niveaux avec de très nombreux établissements étrangers. Nous avons mené dans un premier temps un travail de recensement et de mise en visibilité de ces partenariats. S’appuyant sur cette connaissance, nous avons pu réalisé plusieurs actions dont l’une d’elles a été l’identification de partenariats privilégiés selon certains principes, comme celui du nombre de collaborations déjà établies et ce dans tous les domaines portés par l’université Paris Diderot ou encore la structuration et l’amplification des collaborations avec comme objectif la mise en place d’actions innovantes, en formation et en recherche. Ainsi, nous avons défini des partenariats spécifiques, soit une ville, soit une université, soit un pays, dans 5 régions géographiques : la ville de Buenos-Aires en Argentine, la Seoul national University en Corée du Sud, l’université Illinois at Urbana Champaign aux Etats-Unis, l’université de Wuhan en Chine et enfin au Vietnam

 

L’université Paris Diderot
Quels sont les axes stratégiques prioritaires de votre mandature ?
Il faut préciser que Paris Diderot est la seule université parisienne à proposer presque toutes les disciplines. Ces dernières années, Paris Diderot a consacré beaucoup d’énergie à la construction de son nouveau campus, un campus ouvert sur la ville. Aujourd’hui, nous sommes à Paris le seul campus universitaire existant regroupant l’ensemble des disciplines à l’exception de nos composantes Santé, rattachées aux hôpitaux parisiens. Les autres universités sont dispersées sur de nombreux sites, intra et extra muros, une situation résultant d’une période de massification des effectifs étudiants au cours des années 80/90 et donc d’une croissance des universités parisiennes dans un schéma urbain complexe. L’une de nos directions stratégiques consiste à faire vivre désormais ce campus universitaire autour de la pluridisciplinarité dans le cadre de rencontres et de colloques mais aussi d’actions de formations et de recherche innovantes. Nous souhaitons aussi nous impliquer davantage dans la diffusion du savoir et porter à la connaissance de toutes et tous nos activités, permettant l’échange et le débat. Nous ouvrons par exemple régulièrement l’université en organisant des manifestations culturelles et scientifiques, je pense par exemple aux Entretiens des Grands Moulins, qui voient dialoguer sur un thème deux grandes personnalités, scientifique et artiste, médecin et écrivain par exemple. Ou encore le cycle des 13 minutes, un chercheur ou enseignant-chercheur ayant 13 minutes sur un sujet donné, pour en présenter un contenu, un développement et susciter le débat. Enfin, cette année nous célébrons le tricentenaire de la naissance de Denis Diderot, figure tutélaire de notre université et de nombreuses manifestations sont prévues : pièces de théâtres, colloques pluridisciplinaires autour de son oeuvre encyclopédique etc. Un dernier axe stratégique de l’équipe élue en place est de construire l’université unifiée Sorbonne Paris Cité. Une grande concertation se tient depuis juillet 2012 au sein de Paris Diderot pour réfléchir aux contours structurels et organisationnels que pourraient prendre cette grande université. Ce regroupement permettra de créer une université de taille mondiale grâce à une meilleure coopération entre les acteurs et à une mutualisation des moyens. Comment peut-on améliorer l’insertion professionnelle des diplômés de l’université ? De nombreuses actions sont menées, tant au sein des composantes que par les services dédiés de l’université. Cela passe par l’aide à la recherche d’un stage, la création de formations professionalisantes ou de doubles cursus plus attractifs pour les entreprises. Il nous faut nous faire connaître et reconnaître du monde de l’entreprise. Privilégier l’emploi aux étudiant(e)s sortant de cursus universitaires, c’est une garantie de diplômes nationaux reconnus. Mais ce que nous défendons à Paris Diderot c’est l’acquisition d’un savoir-faire en recherche et du développement d’un esprit critique et indépendant. Nous invitons très souvent les entreprises aux forums professionnels, scientifiques et culturels que nous organisons. Cela permet de nouer des partenariats forts, de permettre un dialogue entre universitaires, étudiants et entrepreneurs. Le réseau des anciens joue-t-il un rôle important ? En ce qui concerne la constitution d’un fichier des anciens, les universités se heurtent à deux problèmes. L’un réside dans le nombre élevé de nos étudiants (27 000 étudiants à Paris Diderot en 2012 !). Le second vient du fait que la plupart des étudiants ne suivent pas la totalité de leur cursus dans le même établissement. Beaucoup arrivent en cours de cursus au niveau des masters, ce qui ne permet pas de les fidéliser facilement. Dans ces conditions, structurer et faire fonctionner une association d’anciens constitue une tâche complexe. Toutefois, nous avons commencé ce travail en utilisant Internet, mais n’avons pas encore de bottin à proposer !

 

Patrick Simon