Depuis la parution, entre autres, de l’ouvrage de D. Aaker «Managing Brand Equity : Capitalizing on the Value of a brand» en 1991, la valorisation de la marque est devenue un stratégique majeur au sein des entreprises. Il ne s’agit plus seulement d’un sujet débattu par les départements marketing, mais bien par toute l’organisation. Or, il faut bien reconnaitre que les normes comptables, nationales ou internationales, ne poussent pas à fournir des informations pertinentes pour l’évaluation de ces actifs incorporels : l’absence de reconnaissance des marques générées en interne, la comptabilisation des dépenses de marketing en tant que charges alors qu’elles ont souvent pour objectif de pérenniser une image, sont autant d’obstacles à la reconnaissance du capital-marque.
Les principes d’évaluation et leurs limites
Les analystes financiers, dont l’objectif est de déterminer la valeur marchande des entreprises, s’accordent volontiers sur les principes qui guident leurs estimations : identifier les flux financiers (ou «cash flows») libérés pour les actionnaires dans le futur, déterminer un taux d’actualisation qui reflète le risque des activités de l’entreprise, et finalement ramener ces flux à aujourd’hui en utilisant ce taux d’actualisation. Si ces principes sont clairs, leur application l’est parfois moins, notamment lorsqu’il s’agit de cerner la valeur d’actifs spécifiques au sein de l’entreprise, davantage lorsque ces actifs sont incorporels, et plus encore s’ils ne sont qu’indirectement générateurs de cash-flows futurs. C’est bien là toute la complexité de l’évaluation des marques.
On distingue en général trois grandes familles d’approches financières : celles qui tentent de déterminer et d’actualiser les cash-flows générés indirectement par la marque, celles qui se basent sur les investissements effectués dans la marque par le passé et finalement celles qui comparent les valeurs marchandes d’entreprises de marques et d’entreprises génériques. Quel que soit le choix de la méthode retenue, les difficultés de mise en applications sont majeures : comment dissocier l’effet « marque » des autres déterminants intangibles de la valeur ajoutée ; comment distinguer parmi les dépenses de marketing celles qui contribuent réellement à la construction de l’image de marque dans le temps ; comment effectuer des comparaisons pertinentes de valeurs marchandes lorsqu’aucune entreprise générique cotée ne correspond au profil de l’entreprise de marque étudiée ? Combler les limites de ces approches n’est pas simple et requiert un fort degré d’expertise.
Le conseil en évaluation : une véritable industrie
Donner une valeur à la marque est crucial pour évaluer la performance du marketing, mais aussi pour justifier les prix de vente des produits et le prix de cession éventuel des marques. Pour disposer d’estimateurs fiables, on fait donc appel à des consultants spécialistes, et ceux-ci sont nombreux. Les méthodes proposées sont diverses, parfois discutables et offrent surtout des estimations très divergentes : la marque Apple est ainsi estimée entre $184 et $76 milliards selon les sources, ce qui fait la bagatelle de $100 milliards de différence. Cela n’implique cependant pas une remise en cause systématique des analyses car dans ce domaine la question n’est pas seulement de savoir le prix, mais le prix pour qui ?
Par Sophie Anger,
Directrice du campus de Paris
EM Normandie