Didier Pradon, Ingénieur hospitalier membre du CA de la Fondation et Responsable de la recherche sur le fauteuil roulant
Didier Pradon, Ingénieur hospitalier membre du CA de la Fondation et Responsable de la recherche sur le fauteuil roulant

L’entreprise fait aussi bouger les lignes

Si certaines entreprises ont pu engager une politique handicap pour répondre à des obligations légales et morales, nombre d’entre elles ont aujourd’hui pris conscience que leur performance économique était, plus que jamais en période de crise, étroitement liée à leur performance sociale. Mais que font-elles concrètement pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap ? Eléments de réponse.

Didier Pradon, Ingénieur hospitalier membre du CA de la Fondation et Responsable de la recherche sur le fauteuil roulant
Didier Pradon, Ingénieur hospitalier membre du CA de la Fondation et Responsable de la recherche sur le fauteuil roulant

Imprimer le handicap partout dans l’entreprise
Devenu point de développement stratégique, performer socialement implique notamment pour les entreprises d’engager une politique diversité volontariste. En matière de handicap, cela se traduit par des initiatives aussi novatrices qu’éclectiques. Si elles s’engagent en priorité sur le terrain de l’accessibilité de leurs locaux et des aménagements de postes,nombre d’entre elles agissent également avec force sur celui de l’acceptabilité. Pour cela, elles misent sur la sensibilisation et la mobilisation de leurs salariés et managers via des conférences, ateliers pratiques, jeux de rôles avec des compagnies théâtrales,… Certaines font également le choix de faire rimer performance sociale et performance sportive en soutenant des athlètes handisport. C’est notamment le cas de Malakoff Médéric qui a récemment mis l’énergie des 174 000 membres du Club des Supporters Handisport (initié avec la Fédération Française Handisport sur Facebook à l’occasion des JO deLondres) à l’heure des JO de Sotchi. Et parce que performance économique et performance sociale sont plus que jamais liées, bon nombre d’entreprises mêlent également handicap et business en collaborant de façon croissante avec le secteur protégé et adapté. En novembre dernier, le Groupe SPIE Est a par exemple invité les entreprises de ce secteur à découvrir ses activités et ses métiers afin qu’elles puissent mieux les comprendre, proposer des prestations adaptées à ses besoin et ainsi lui permettre, dans une logique gagnant-gagnant, de développer le recours au travail des personnes en situation de handicap.

 

Faire rimer handicap et carrière
Si ces initiatives sont révélatrices d’un engagement réel et sérieux des entreprises pour la question du handicap, l’intégration des actions visant à améliorer leur accès à l’emploi et à les ouvrir à de réelles opportunités de progression professionnelle. A ce titre, les entreprises impliquées dans le Club Handicap et Innovation font figures d’exemples. Fondé en novembre 2012 notamment par Handi2day (premier salon virtuel de recrutement dédié aux travailleurs handicapés), ce Club permet en effet aux entreprises engagées, créatives et innovantes de partager leurs bonnes pratiques. Il a d’ailleurs dévoilé sont Livre Blanc sur l’emploi des personnes handicapées en novembre dernier. Conscientes qu’être en situation de handicap implique parfois une certaine autocensure de salariés qui n’osent pas réaliser leurs ambitions, d’autres entreprises font le pari de les accompagner dans leur ascension professionnelle. Le Groupe STEF a d’ailleurs été récemment récompensé par le Prix 2013 de l’innovation RH du Cercle Humania pour ses Journées Découvertes Métiers, un projet novateur proposant à ses 572 salariés handicapés d’être accompagnés dans leur carrière en se formant à de nouvelles fonctions. Depuis son lancement, 70 salariés se sont engagés dans cette démarche et 10 ont fait le choix d’exercer un nouveau métier pour mettre leur expérience au service d’une autre fonction tout en anticipant l’éventuelle évolution de leur handicap.

 

PME et entrepreneuriat : des voies à suivre
Si les grandes entreprises rivalisent de créativité et de moyens pour mettre en oeuvre des politiques handicap et diversité volontaristes, les PME restent les meilleures élèves en matière Diversité érige en effet ces noyaux durs de l’entrepreneuriat français en championnes de la diversité. Ceci peut s’expliquer par ‘‘l’effet taille’‘ : il y est plus aisé de transposer rapidement les convictions et valeurs du dirigeant en actions concrètes. C’est d’ailleurs la force de conviction à la tête de l’entreprise qui semble être le fer de lance de l’engagement pour la diversité dans les PME. Un point de divergence fondamental avec les structures plus importantes (1000 salariés et plus) où cet engagement est généralement le fruit d’une démarche RSE et donc d’une politique souvent impulsée par des contraintes légales. Mais si grands groupes et PME portent un intérêt croissant à l’intégration du handicap, quid de l’entrepreneuriat ? Dans une période de crise où les salariés en situation de handicap sont touchés plus encore que les autres par le chômage (21.6 % en moyenne soit 2 fois plus que le reste de la population), créer son propre emploi peut se révéler être une solution d’avenir. Pourtant, les handipreneurs restent des acteurs rares sur le terrain de l’entrepreneuriat. En effet s’ils font partie de ce qu’on appelle la ‘‘diversité entrepreneuriale ‘‘ (au même titre que les séniors ou les mères de famille qui se mettent à leur compte), ils ont parfois besoin d’un soutien plus ou moins important au regard de leur handicap. Or, les pouvoirs publics ne semblent pas vouloir ou pouvoir s’impliquer de façon plus précise et adaptée pour cette catégorie d’entrepreneur. Proposer une structure propre d’incubation avec des services accessibles et adaptés serait ainsi une voie privilégiée pour permettre aux handipreneurs de mettre, comme tout le monde, leur esprit novateur au service de la société et de l’emploi. Initiative à suivre…

 

La Fondation Garches : des ingénieurs qui roulent pour l’innovation
Créée il y a 20 ans par les médecins de l’hôpital Raymond Poincaré, la Fondation a pour mission première l’aide au choix et au réglage des fauteuils roulants. Grâce à un stock de 150 fauteuils et au concours d’un ergonome et d’un kinésithérapeute, elle aide gratuitement chaque année près de 600 personnes. « Je travaille au quotidien sur l’utilisation d’outils de capture du mouvement (les mêmes que ceux utilisés dans la conception des jeux vidéo) afin d’aider les professionnels de santé à définir des stratégies thérapeutiques et à concevoir des aides techniques. » La Fondation a également une mission de formation auprès des personnels médicaux et paramédicaux et de futurs ingénieurs. « Nous collaborons régulièrement avec des étudiants sur des projets innovants qui ne considèrent plus le handicap comme une source d’incapacités mais comme la recherche de solutions pour accroitre les capacités des patients dans une vision hyper contextualisée. C’est une expérience très valorisante qui leur permet de sortir d’un raisonnement 100% ingénieur tout en étant immédiatement considérés comme des experts par les équipes médicales qui voient en eux, non plus des élèves, mais de futurs professionnels. »

 

CW.