Le Grand entretien : Yves Demay, école Polytechnique
« Notre principal objectif consiste à nous placer parmi les meilleurs établissements au niveau international. » Yves Demay , Directeur général de l’école Polytechnique
Stratégie…………………….
Quelle est votre vision globale de l’X ?
L’école dispose d’un potentiel formidable qui s’appuie sur l’interaction entre les laboratoires, les élèves et le corps enseignant. Cependant, cette école doit continuer à évoluer et à innover car notre principal objectif consiste à nous placer parmi les meilleurs établissements au niveau international.
Que peut apporter votre expérience en matière de développement stratégique ?
J’ai une expérience différente de celle de mes prédécesseurs. Je n’ai pas d’expérience opérationnelle des armes. En revanche, j’ai une certaine expérience de la recherche que j’ai pratiquée en début de carrière et j’ai exercé des métiers d’ingénieur.
De plus, mes fonctions m’ont donné beaucoup de contacts avec diverses entreprises ce qui peut m’aider à bien comprendre leurs besoins. Enfin, mon expérience comme directeur de l’ENSTA ParisTech, est certainement un atout pour être rapidement en mesure de contribuer à la stratégie de l’Ecole.
Evolutions…………………..
Les partenariats étroits consécutifs au regroupement d’écoles, d’universités et de centres de recherche sur le plateau de Saclay ne risquent -il pas de brouiller l’image de Polytechnique ?
Nous souhaitons participer et nous impliquer fortement dans le projet de Saclay. C’est un projet transformant, sans être pour autant fusionnel. L’identité de l’Ecole, son excellence en formation et en recherche sont des atouts qui bénéficieront au projet collectif. En retour, nous pensons que c’est une opportunité de visibilité et de lisibilité internationale.
Nous construisons un projet original. Pour faire une analogie avec un modèle connu qui pourrait s’en rapprocher, on peut penser aux universités britanniques, comme Oxford ou Cambridge, dont la construction repose sur une approche globale et à l’intérieur desquelles on trouve ce qu’on appelle des « colleges », c’est-à-dire de petits ensembles ayant chacun leur caractéristiques propres.
Dans ces conditions, l’autonomie et l’image de l’X seront préservées, ce qui ne nous empêche pas de mutualiser nos moyens ou d’établir des partenariats spécifiques avec les autres établissements du site, comme par exemple la mise en place d’un collège doctoral commun ou de grands centres de recherche lisibles au niveau international, Saclay ayant prétention à devenir l’un des principaux centres mondiaux en matière de recherche scientifique dans plusieurs domaines.
La réforme de la gouvernance risque -t-elle de réduire votre pouvoir de décision ?
Depuis plus d’un an, nous affichons la volonté de modifier la gouvernance de Polytechnique. En inscrivant l’École dans Paris Saclay, en renforçant nos partenariats stratégiques à l’international et en lançant notre première campagne de levée de fonds, Marion Guillou, ex-présidente actuelle du Conseil d’administration, a posé les fondations pour demain. Avec la réforme de la gouvernance de l’X, nous allons désormais avoir un président à temps plein pour continuer de mener cette politique et ces missions à bien. La pratique managériale au plus haut niveau va forcément être modifiée dans l’optique d’une complémentarité et d’un partage des tâches plus efficace.
Pédagogie et recherche……………………
Pourquoi privilégier le développement du e-learning ?
Nous avons décidé de mettre un certain nombre de cours et de formations en ligne sur la plateforme Coursera pour atteindre différents objectifs. Nous souhaitons tout d’abord être visibles à l’international en nous plaçant dans le sillon des établissements anglo-saxons qui développent fortement ce type d’enseignement.
Nous avons aussi souhaité proposer des cours en langue française car nous constatons un réel besoin de formations accessibles via Internet dans le monde francophone et même au-delà. Nous sommes également convaincus de la nécessité de maîtriser ces nouvelles techniques pédagogiques, qui peuvent être utilisées dans le cadre de la formation continue par exemple.
Pour quelles raisons l’entrepreneuriat et l’innovati on constituent-ils un de vos axes stratégiques majeurs ?
Nous souhaitons susciter chez nos élèves le désir d’entreprendre et encourager l’innovation. C’est pour cela que j’ai décidé de créer un poste de directeur formations spécialisées en entrepreneuriat, il s’agit surtout d’un état d’esprit à inculquer. Qu’ils intègrent de grands groupes industriels, qu’ils créent leur start-up ou qu’ils se lancent dans la recherche, l’esprit d’innovation nous taille moyenne que le projet Saclay va nous permettre de développer. Chaque année, une dizaine de nouveaux diplômés créent leur propre entreprise au sortir de l’école. Nous souhaitons encourager cet esprit entrepreneurial par le biais de méthodes pédagogiques plus interactives qui passent par davantage de séminaires ou de groupes-projets.
Pourquoi avez-vous modifié la date des stages ?
Nous avons décidé de faire évoluer le stage en entreprise effectué par l’ensemble des polytechniciens. Réalisé entre le 14 juillet et le 15 août, il nous paraissait trop court et placé à un moment creux de l’activité des entreprises. A partir de la promotion 2013, le stage s’effectuera dès le mois de juin, sur une durée qui pourra aller jusqu’à trois mois.La conséquence anecdotique de ce changement consiste dans le fait que les élèves de seconde année ne pourront plus défiler le 14 juillet et seront donc remplacés par les élèves de première année. Si ce changement paraît minime vu de l’extérieur, il a entraîné de nombreuses discussions au sein de l’école, notamment pour 2014 où Polytechnique fêtera son 220e anniversaire et où deux promotions défileront.
Qu’en est-il de l’évolution de la recherche sur le plateau de Saclay ?
Nous mènerons ainsi une stratégie collective de recherche avec des appels à projets communs.Nous disposons de 20 laboratoires classés laboratoires d’excellence, tous unités mixtes de recherche CNR S. A l’échelle de Saclay, vont se construire des communautés de scientifiques (mathématiciens, physiciens, informaticiens, biologistes, etc…) qui conduiront des recherches groupées, les établissements devant mutualiser leurs moyens.
L’international…….
Quelles sont vos actions en matière de développement à l’international ?
L’international constitue une dimension essentielle de l’école. Si Polytechnique est très ouverte à l’international, nous avons la volonté de réaffirmer cette spécificité de plusieurs manières. Nous allons augmenter la durée du stage de 3ème année qui va passer à six mois en encourageant activement nos étudiants à chercher leurs stages à l’étranger. Si nous recevons des étudiants en provenance de nombreux pays, nous constatons que les polytechniciens choisissent majoritairement de partir dans les pays anglo-saxons. Nous souhaitons les encourager à s’orienter plus vers des pays comme le Brésil, l’Inde ou la Russie, aujourd’hui en pleine croissance, avec un besoin fort en compétences en ingénierie. Nous cherchons à conclure des accords réciprocité avec les meilleures universités du monde afin que les élèves bénéficient de double diplômes, comme dans le cadre de l’accord que nous venons de signer avec l’université de Caltech.
Patrick Simon