[Médiathèque / livre]
Marie-Christine Maheas, directrice éditoriale et co-auteure de « Mixité, quand les hommes s’engagent ! » paru aux Éditions Eyrolles, avec un collectif de 18 experts et dirigeants de grands groupes , présente non seulement l’ouvrage mais explique véritablement sa démarche en faveur de la mixité. Pour les hommes aussi, la mixité est importante !
D’où vous est venue cette idée d’ouvrage ?
J’étais présidente de PWN – Professional Women’s Network. Il y a 3 ans. J’avais assisté au Women’s Forum de Deauville. J’ai joint PWN en 2004 et je me suis progressivement intéressée à cette question, j’ai commencé à m’investir dans les réseaux et à en faire un centre d’intérêt.
À Deauville, Anne Lauvergeon a pris la parole et je partageais son sentiment : il n’y avait pas d’hommes dans la salle. On avait cerné les problèmes autour des femmes et on commençait à tourner en rond. Donc nous avons a créé des dîners dans lesquels les femmes étaient accompagnées d’un homme pour confronter nos avis.
Le constat : il y avait une vraie bonne volonté de la part des hommes mais qu’il y avait certains freins. Mais que si on arrivait à les lever, il y avait beaucoup de bonne volonté et de volontaires. Nous avons alors décidé avec des camarades de créer une boîte à outils qui concerne aussi les managers (homme ou femme) qui devaient engager des équipes. D’où l’idée de ce livre regroupant 18 intervenants et des experts qui cogitent autour du réseau.
Pourquoi un tel titre ?
L’idée est de pointer ce que les hommes ont aussi à y gagner d’un point de vue professionnel et personnel. L’ouvrage donne à la fois les bases à acquérir et montre quels sont les freins à l’engagement. Nous avons ainsi interrogé douze patrons en tant que rôles modèles.
Comment avez-vous choisi les intervenants ?
C’est très varié : il y a ainsi deux anciennes présidentes de PWN, la créatrice de Accenture Elles mais aussi des hommes pour témoigner de la diversité dans les grandes entreprises, des business cases – très important pour montrer les atouts de la mixité en entreprise –, le fondateur du mouvement d’hommes « mercredi, c’est papa », la créatrice de Board Women Partners – un système de mentoring des femmes par des membres du CAC 40 pour qu’elles accèdent aux comex –, Catherine Vidal, spécialiste du cerveau… Nous avons commencé avec sept ou huit personnes et au fil des réunions, nous ajoutions des noms..
Quel message souhaitez-vous véhiculer ?
Le message le plus important est celui-ci : la mixité n’est plus une simple affaire de femme. On vient de terminer une période d’une quinzaine d’années où la mixité était traitée comme un réseau féminin. Entre 80 et 85 % des comex sont tenus par des hommes donc la prochaine étape est d’inclure les femmes.
Comment ? Il y a plusieurs méthodes : faire comprendre à tous et à toutes que la mixité n’est pas une question de femmes mais une question de performance. Les choses commencent à bouger mais très lentement. Excepté dans les comités d’administration, la situation évolue très lentement : 1 % / an dans les comités de direction !
La question est devenue un sujet sociétal donc nous avons l’impression que ça avance mais en fait non, alors que l’on y travaille depuis 15 ans. Les petites avancées créent de la crispation car les hommes ont l’impression qu’ils doivent laisser leur place. Pourtant, l’égalité salariale est très simple à mettre en place. Il ne faut pas que les hommes aient l’impression qu’on veut les mettre de côté.
Quel constat est le vôtre aujourd’hui par rapport à la mixité ?
L’égalité des salaires est une question simple en soi. Ensuite, la complémentarité est avérée. Il y a des compétences naturelles chez l’un et chez l’autre. La prise de risques semble ainsi plus inhérente chez les hommes mais elle peut aussi être un mal. Idem pour tout ce qui est consensus, qui est plus féminin, mais qui peut s’avérer un bien comme un mal parfois.
Il ne faut pas que les hommes aient l’impression qu’on veut les mettre de côté
Toutefois, il n’existe pas de leadership au féminin qui réussisse mieux pour le business que les hommes : le mixte est plus important. Donc ne pas parler de féminisation du leadership car c’est bien la mixité qui est bonne. Si nous sommes tous identiques, nous sommes moins créatifs ! La mixité limite aussi turn over dans les entreprises et permet de conserver les talents.
Le langage employé est ici très important car sinon on peut casser la motivation d’un homme très rapidement. On parle de mixité et non de féminisation. Il faut adopter la bonne attitude et le bon langage.
Avez-vous vous-même été confrontée à ce fameux plafond de verre dont on parle tant ?
Il existe deux plafonds de verre : les hommes et les femmes… et même les processus parfois. En effet, il y a un plafond que nous bâtissons nous, les femmes : manquer de confiance, ne pas se mettre en avant…
Le second plafond vient de l’entreprise : les femmes vont avoir des enfants donc il est plus difficile de miser sur le long terme… Il y aussi une question d’habitude qui fait que l’on a plus tendance de faire entre soi et donc il y a un confort à nommer des gens que l’on connaît, on prend moins de risques.
Enfin, il y a aussi le « machisme » de base. Mais c’est une toute petite proportion donc ce n’est pas la majorité.
Personnellement, je n’ai pas été confrontée au premier frein car, dans mon éducation, il n’y a jamais eu la moindre différence donc je n’ai aucun complexe. Résultat, j’agis en fonction. Mais il est vrai que dans un milieu d’ingénieur, il y a toujours moins de femmes. À certains virages, j’ai parfois vu du machisme comportemental sans que cela constitue un plafond de verre pour autant : on me coupait la parole en réunion… C’est presque inconscient mais cela arrive tous les jours.
Quels conseils aux jeunes diplômées, ou en passe de l’être, qui seront bientôt confrontées à la réalité du terrain ?
Il y a un chapitre que j’aime bien qui porte sur les bénéfices de la mixité à tout âge. Il y a une partie pour ceux qui entrent dans leur premier emploi qui sensibilise à un environnement mixte plutôt que non mixte.
Donc mon conseil est le suivant : intéressez-vous à la différence entre une entreprise qui favorise la mixité et une qui ne la favorise pas. Comparez les résultats. Choisissez bien votre entreprise : si vous mettez la mixité dans vos critères, vous serez mieux dans votre vie.
Si vous mettez la mixité dans vos critères, vous serez mieux dans votre vie
De même, travaillez très tôt sur les freins féminins. Intéressez-vous aussi à la notion de pilier masculin et de syndrome d’Atlas : il s’agit des stéréotypes dont la manière dont les filles et les garçons sont élevés. Les garçons auront par exemple la charge financière du foyer. Très tôt, les hommes sentent un poids comme une injonction de réussir. Plus tôt on découvre cette chaîne, plus vite on peut lutter contre.
Pour les femmes en général, intéressez-y vous aussi : il y a aussi les conséquences de ces stéréotypes. Travaillez le plus tôt possible sur ces fameux freins. Si on se rend compte rapidement que les femmes n’osent pas parler salaire ou négocier, cela dépassionne plus vite et on apprend à dépasser ces freins. On peut alors copier les modes de fonctionnement masculins. Car sinon elles en seront victimes quoi qu’elles en pensent.
Comment y parvenir ? En trouvant un sponsor ou un mentor rapidement dans sa carrière.
Violaine Cherrier
Lire ausi