Les inégalités femmes-hommes prennent racine dans des facteurs culturels fortement ancrés. Elles persistent notamment dans le travail. Quelles actions permettraient de faire bouger les choses en 10 ans ? Propositions de trois experts.
Le MIT est arrivé à la parité en 30 ans
Martin Andler, président de l’association Animath constate que d’autres pays ont su attirer les jeunes filles dans les filières scientifiques. « Au MIT, au niveau undergraduate, il y a 48 % de femmes toutes disciplines confondues. C’est le fruit de 30 ans de travail. » L’institution a créé une résidence pour étudiantes, puis fait savoir sa volonté et directement été chercher des candidates à travers les Etats-Unis. « D’autres universités ont craint que cette démarche n’assèche leur vivier. A l’inverse, cela a créé une dynamique de vocations scientifiques. »
Changer les modalités de sélection
Pour Martin Andler, la sélection par dossier du MIT est un levier de mixité à utiliser. « Il permet, sans faire de compromis sur le niveau, de prendre en compte une pluralité de critères. On constate que le concours rebute plus les filles que les garçons. Leur performance en maths notamment, est affectée par la situation d’anxiété. Or, elles sont anxieuses car confrontées lors des épreuves au stéréotype de leur infériorité en maths. » Faire évoluer les modalités de recrutement (sur dossier, en AST) est une piste à explorer.
Elaborer un discours astucieux pour faire tomber les stéréotypes
Pour lutter contre les stéréotypes, Animath intervient auprès de collégiennes et lycéennes. « Elles participent à des ateliers, rencontrent des femmes scientifiques. Nous décryptons ensemble des situations stéréotypiques pour les démonter et ainsi les dépasser. » Animath a touché près de 7 000 jeunes filles en 10 ans.
Valérie Rocoplan, fondatrice de Talentis et auteur de « Osez être la chef », constate qu’une sensibilisation aux stéréotypes bien faite est efficace. « Si elle n’est pas caricaturale mais astucieuse ; si elle ne culpabilise pas mais permet de prendre conscience de manière positive et constructive, c’est gagné ! » Donner des rôles modèles aux jeunes filles en les faisant échanger avec des femmes scientifiques, visiter des usines, des laboratoires, visionner des documentaires et même des films mettant en scène des héroïnes scientifiques, fonctionne. « L’enjeu est de le faire systématiquement, le plus tôt possible, afin que chaque jeune fille sache que tous les métiers lui sont accessibles », insiste Valérie Rocoplan.
Sensibiliser femmes et hommes
Antoine de Gabrielli, fondateur de Companieros, constate que parler d’égalité professionnelle avec les étudiants est nécessaire. « Ils considèrent que c’est une évidence, or c’est faux. Ils sont donc moins préparés que leurs aînés à gérer les inégalités de traitement dans le travail. » Companieros préconise une sensibilisation/formation à l’égalité professionnelle des futurs managers, hommes et femmes. L’an dernier, 1 000 étudiants et étudiantes ont été formés via le SPOC HF Management dans 20 établissements. Les études montrent que la première cause de discrimination en entreprise, avant le sexe, l’âge ou l’origine, est la maternité ! « C’est un moment que savent mal gérer les managers. Or, cela peut s’anticiper » insiste la coach. Valérie Rocoplan travaille depuis 10 ans ces thématiques avec des dirigeants, « ils sont très réceptifs. Il nous faut maintenant nous attaquer au management intermédiaire. »
Sortir de la culture du présentéisme
Pour Antoine de Gabrielli, il faut aussi remettre en cause la culture de la disponibilité totale vis-à-vis du travail acquise en CPGE car elle est productrice de profondes inégalités 10 ans plus tard dans le travail. « En CPGE ou en début de carrière, un jeune peut se consacrer à 100 % à son travail. Ce n’est plus possible lorsqu’il devient parent. Cette culture de la disposition totale est très valorisée, mais devient pénalisante pour les femmes, qui dans la majorité des cas, sont celles qui font les compromis professionnels pour s’occuper des enfants. » L’enjeu est donc double : managérial (évolution de l’organisation du travail) et culturel (lutte contre les stéréotypes).
Apprendre les règles non écrites
Autre action préconisée : apprendre aux femmes les clés de la réussite en entreprise. « Les hommes les maîtrisent, les femmes doivent en faire autant en prenant conscience de l’importance du réseau, de savoir se rendre visibles, explique Valérie Rocoplan. Les garçons sont mieux formatés à l’univers de l’entreprise, ils se renseignent entre eux, ils appréhendent les règles non écrites là où les filles ont tendance à bachoter. Elles doivent réaliser qu’il ne suffira pas de « bien » travailler pour réussir. »
www.animath.fr
www.talentis-coach.com
www.companieros.com
www.happymen.fr
A.D-F