HEC Paris – Les enfants et les agents de socialisation

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Les professionnels, comme les chercheurs académiques, s’accordent désormais pour considérer les enfants comme des acteurs importants des sphères économique et commerciale. Qu’ils soient appréhendés en tant que prescripteurs, acheteurs ou futurs consommateurs (McNeal, 1992), ils pèsent aujourd’hui un poids économique considérable que personne ne conteste et qui motive les stratégies d’un grand nombre d’entreprises (Brée, 1990, 2012 ; Roedder John, 1999). L’enfance est une période clé de l’apprentissage de la consommation. En tant qu’individu à part entière, l’enfant est, dès sa naissance, confronté à un ensemble de personnes, institutions et situations qui contribuent à forger sa personnalité et lui inculquent des savoirs et savoir-faire. Quatre agents sont traditionnellement avancés comme jouant un rôle essentiel dans son processus de socialisation.

 

La famille
La famille est chronologiquement la première source d’influence du comportement de l’enfant. Les parents constituent, malgré la diminution de leur pouvoir, l’un des facteurs de socialisation les plus importants. Ils transmettent, tant par leurs comportements et leurs attitudes que par leur éducation, des valeurs, des habitudes, des croyances et des compétences qui structurent l’enfant. L’enfant développe tout d’abord ses savoirs et savoir-faire en matière de consommation par le biais de l’imitation. Cependant, ce seul apprentissage conduit à une connaissance lacunaire, l’enfant n’ayant qu’une appréhension partielle ducomportement observé. Des interactions avec la famille seront ensuite nécessaires pour une compréhension totale des prérequis liés à la consommation. Au-delà du rôle des parents, celui des grands parents est également à considérer.

 

L’école
L’école, par les enseignements qu’elle dispense (ie. lecture, écriture, calcul) et les l’enfant. Son statut est particulier en ce qu’elle se situe à la frontière de l’environnement familial, dans sa dimension de transmission du savoir, et des pairs puisqu’elle constitue l’un des lieux de rencontre de l’enfant avec ses camarades. L’école participe notamment à la transmission de postures citoyennes dont certaines peuvent impacter le comportement du jeune consommateur.

 

Les pairs
L’influence des pairs (fratrie et/ou camarades) dans l’apprentissage de la consommation par l’enfant est indéniable, notamment par les effets de mode qu’ils perpétuent parfois mais aussi par l’utilisation de produits comme autant de valeurs signe : éléments de reconnaissance d’une classe d’âge. A un âge relativement précoce (entre 7 et 12 ans), s’effectue chez l’enfant le passage d’une situation d’égocentrisme vers la camaraderie. Alors que la famille joue avant tout un rôle dans le développement de savoir-faire, celui des pairs consiste davantage à faire prendre conscience à l’enfant de la valeur sociale des biens (s’agissant des vêtements notamment).

 

Les médias
Les médias sont, sans aucun doute, l’un des moyens de socialisation de l’enfant les plus importants, avec une primauté certaine de la télévision et une influence croissante d’internet. Les enfants de l’image naissent avec les médias et apprennent rapidement à en user. La télévision, outil de communication de masse, devient, lorsqu’elle s’adresse à l’enfant, une sorte « d’école parallèle », par laquelle il acquiert des connaissances et de laquelle il reçoit des représentations sociales qui contribuent à forger sa vision du monde.

 

Socialisation inversée
L’apprentissage de la consommation est un processus progressif. L’enfant, en dehors de sa propre famille, côtoie des groupes sociaux divers (clubs de sports, garderie…) qui sont autant d’occasions d’expériences nouvelles, parmi lesquelles certaines relèvent du champ de la consommation. Il peut alors lui-même transmettre ses nouveaux savoirs et savoirfaire au sein de sa cellule familiale. Dans le domaine des nouvelles technologies notamment, les enfants surpassent parfois leurs aînés en termes de compétence, ce qui les conduit alors, par un phénomène de socialisation inversée, à inculquer de nouvelles pratiques à leurs parents ou grands-parents.

 

• Brée J. (1990), Les enfants et la consommation : un tour d’horizon des recherches, Recherche et Applications en Marketing, 5, 1, 43-70. •Brée J. (coord.) (2012), Kids Marketing, EMS, 546 p. • Damay C. et Gassmann S. (2011), Quand l’enfant prend ses marques, EMS, 195 p.• Guichard N. (2000), Publicité et comportement de l’enfant, collection Recherche en gestion, Economica, 313 p. • McNeal J.U. (1992), Kids as Customers, Lexington Books, 258 p. • Roedder John D. (1999), Consumer socialization of children : a retrospective look of twenty-five years of research, Journal of Consumer Research, 26, 3, 183-213.

 

Par Coralie Damay, enseignantchercheur en marketing, ISC Paris, co-auteur de Quand l’enfant prend ses marques, il bouscule les conventions (2011) et co-auteur de Kids Marketing (2012).

Par Nathalie Guichard, Maître de Conférences – HDR en marketing, université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur de Publicité et comportement de l’enfant (2000) et co-auteur de Kids Marketing (2012).