Ingénieures au féminin
Il y a 100 ans, la première femme ingénieure diplômée de Grenoble INP et peut-être de France, sortait de l’Institut d’Electrotechnique de Grenoble. Qu’en est-il de la place des femmes aujourd’hui dans ses formations ?
En 1912, Antoinette Ancuta obtenait le diplôme d’ingénieur « électricien » de l’Institut d’Electronique de Grenoble, devenant ainsi l’une des premières femmes ingénieures, si ce n’est la première ingénieure diplômée de toutes écoles d’ingénieurs françaises confondues ! Au début du siècle dernier, cet évènement était pour le moins exceptionnel. Les femmes ne disposaient pas de tous les droits civils des hommes et peu d’entre elles accédaient à des carrières scientifiques. Qu’en est-il cent ans plus tard, alors que Brigitte Plateau vient d’être élue à la tête de l’établissement, devenant ainsi la première femme à le diriger ?
Un taux en lente progression
Il y a dix ans, le taux de filles dans les écoles de Grenoble INP était de 21,9 %. Suivant une progression lente mais régulière, il est aujourd’hui passé à 24,4 %. Le travail de promotion fait par les écoles elles-mêmes ainsi que les campagnes successives d’information et de promotion des études d’ingénieurs auprès de jeunes filles lycéennes ont un effet à moyen terme, en leur On note cependant des disparités entre les écoles de Grenoble INP, qui accueillent un taux de filles allant de 9 à 40 % selon leurs spécialités. Ainsi, l’Ensimag affiche 17 % de filles, alors qu’« à la naissance de l’informatique, dans les années 1970, cette discipline attirait autant les filles que les garçons, constate Brigitte Plateau, ancien directeur de l’école et nouvellement élue Administrateur Général de Grenoble INP. Dans les années 80-90, l’image du ‘geek’ a ensuite fait baisser ces statistiques. » Le constat est le même à l’Esisar, où l’on regrette de n’avoir que « 9 % de filles, malgré plusieurs actions menées pour les attirer dans nos formations, concède Chantal Robach. On constate cependant une tendance à la hausse, en particulier grâce à l’apprentissage qui commence à se féminiser. »
Apprentissage et sciences du vivant
L’apprentissage serait-il une voie à explorer pour attirer les filles ? Peut-être. Avec 40 % de filles, Pagora (spécialisée dans les sciences du papier, de la communication imprimée et des biomatériaux), fait figure de très bon élève. Or, elle fut la première de Grenoble INP à ouvrir une filière en alternance. « Ce type de formation a notamment facilité l’intégration des jeunes femmes dans des contextes de production, environnements dans lesquels elles étaient beaucoup plus rares il y a 20 ans, » explique Bernard Pineaux, directeur de Pagora. La présence de sciences du vivant au programme des formations de l’école explique aussi sans doute en partie cette forte proportion de filles, comme c’est le cas à l’Ense3. « Les secteurs de l’eau et de l’environnement sont traditionnellement attractifs pour les femmes, constate Olivier Métais, directeur de Grenoble INP – Ense3. Cette tendance s’étend actuellement au domaine de l’énergie et l’école a vu son taux augmenter sensiblement depuis sa création en 2008, passant de 20 à 27 % aujourd’hui. »
Les sciences, ce n’est pas que pour les garçons !
L’imaginaire collectif véhicule l’idée que les femmes ne sont pas faites pour les métiers scientifiques. C’est faux ! Alice Bossuet, étudiante en 2e année à Grenoble INP – Phelma (25 % de filles), le crie haut et fort. « Je suis passionnée d’électronique : ado, je démontais les objets courants pour comprendre comment ils fonctionnaient. J’avoue ne pas saisir pourquoi les filles sont si peu attirées par les sciences. » De son côté, Pauline Bizet, en 3e année à Génie industriel (33 % de filles), s’est orientée vers la conception mécanique dans l’aéronautique. « C’est ma passion ! Le fait d’évoluer dans un milieu typiquement masculin ne me pose aucun problème. Avec passion et détermination, tout se fait ! »
Mireille Jacomino,
vice-présidente du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire de Grenoble INP