On le surnomme « le Parmentier des algues ». Aidé de son compère le biologiste Pierre Mollo, cet ingénieur philosophe veut révolutionner la consommation d’algues en faisant de chacun de nous son propre producteur. Signe de piste…
Quel a été votre parcours jusqu’ici et comment les micro-algues en sont-elles venues à vous passionner ?
Ingénieur de formation (Télécom Sud Paris), j’ai complété ma formation par un master en sciences cognitives (Polytechnique) puis fait de la gestion de projets sociaux pour la magnifique Fondation Charles-Léopold Meyer, jusqu’à croiser Pierre Mollo, ce passionné-passionnant du plancton qui m’a convaincu de son importance pour notre avenir et avec qui j’ai tout de suite eu envie de travailler. Ensemble, nous avons créé l’association La Voie Bleue qui, avec l’aide de l’Incubateur d’Innovation Sociale de Toulouse Métropole, s’est donné pour mission de partager les connaissances, créer des projets collaboratifs et fédérer les acteurs s’intéressant aux micro-algues comme aliments : chercheurs, entrepreneurs, associations, industriels, collectivités, passionnés, producteurs artisanaux (200 actuellement)…
Qu’est-ce qui vous fait penser que l’heure des algues est venue ?
La malnutrition touche 1 milliard de personnes qui, à présent que nous sommes une civilisation urbaine, n’ont aucun accès à la terre. Les carences en fer en concernent, elles, 2 milliards ! Notre consommation de protéines sera multipliée par 3 d’ici 2030 ; un niveau tout simplement impossible à atteindre. 3 micro-algues sont actuellement autorisées à la consommation (mais elles seront vite davantage). La spiruline est championne côté protéines idéalement assimilable (elle en produit 200 fois plus que le boeuf par unité de surface !) et l’odontella produit cet omega 3 que nous allons chercher dans les thons qui l’absorbent via les petits poissons qu’ils mangent. Convaincus de l’importance du concept de souveraineté alimentaire, nous avons donc créé Alg&you*, start-up fabriquant des « phytotières », sortes d’incubateurs qui, à partir d’un peu de semence, de nutriments et de lumière fabriquent des algues. Ainsi, chez un particulier, une phytotière de 10 litres génèrera plus de 20 grammes de pâte de spiruline fraiche par jour.
Quels sont les obstacles à vaincre pour que les algues arrivent jusqu’à nos assiettes ?
Faire évoluer les habitudes alimentaires est toujours extrêmement lent ; c’est le problème auquel fut confronté Parmentier quand il voulut faire consommer ce tubercule étrange que personne ne connaissait : la pomme de terre. Alors, on intéresse des chefs, on imagine des recettes, la spiruline ayant le bon goût d’être, au palais, à mi-chemin du Saint-Moret et du toffu. Et puis, pour le moment, il y a le prix. Spiruline et chlorelle sont déjà consommées séchées (par les sportifs notamment, nda), mais coûtent cher, alors que ces algues directement issues de la photosynthèse – et très économes en eau – proposent un formidable ratio, d’où l’intérêt des phytotières destinées aux particuliers comme aux communautés. Reste ensuite à traiter tous les aspects ordinaires de la sécurité alimentaire.
Inciteriez-vous les jeunes diplômés à se lancer dans l’agriculture urbaine ou bien cela vous paraît-il encore trop tôt ?
On est d’évidence au début non seulement d’une nouvelle filière, mais d’un nouveau mode de production des aliments. Les enjeux capitaux de l’agriculture urbaine entraînent la multiplication des projets et initiatives dans ce sens et cela ne fera que s’accélérer avec le temps. A la Voie Bleue, nous sommes absolument disponibles pour partager nos connaissances avec cette nouvelle génération à laquelle incombe aujourd’hui la mission de relever, avec audace et sagesse, le challenge de l’alimentation des décennies à venir.
*Lauréat du Concours Mondial d’Innovation et du concours BPI
JB
Contact :
http://la-voie-bleue.org et www.observatoire-plancton.fr – Observatoire plancton : 02 97 82 21 40.
Pierre Mollo : 06 37 27 33 53 – Georges Garcia : 06 63 72 34 47 et sigeorges@gmail.com