Le 17 mars 2020, la France entrait en confinement et certaines se sont prises à rêver. Avec la fermeture des écoles, des crèches et des entreprises, l’indisponibilité des grands-parents, est-ce que le partage des tâches au sein de la cellule familiale entrait dans une nouvelle ère ? La logique aurait voulu que ce soit le cas. Contraints de la même façon au huis clos familial, au télétravail, à la scolarisation à domicile, privés de soutien extérieur, hommes et femmes se trouvaient sur un pied d’égalité face à cette nouvelle donne : du moins en théorie !
Certes, des nombreux parents ont vanté les mérites de cette proximité retrouvée et le bonheur de passer plus de temps en famille. Mais loin d’être un accélérateur de progrès, la pandémie de COVID-19 a surtout été un formidable révélateur des inégalités.
Une sur-représentation dans les métiers du « care »
Les femmes ont été propulsées en première ligne de la « guerre » décrite par le Président Macron. En Europe, les femmes représentent 76 % des professionnels de santé, 82 % des caissières, 86 % des aides à domicile. Elles ont eu à gérer une pression professionnelle mais aussi psychologique, souvent avec très peu d’aide pour gérer le bien-être de leur propre famille. Et celles qui occupent d’autres fonctions ont dû endosser, à la maison, une augmentation considérable des activités de soin. Selon les études de McKinsey Global Institute, 75 % du travail de « care » non rémunéré dans le monde est supporté par les femmes. A la double journée de travail et d’intendance domestique, s’est rajoutée la triple journée de la scolarisation à domicile. En temps normal, L’Institut Européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) évalue à 13 heures par semaine le temps supplémentaire passé aux soins et aux travaux domestiques par les femmes. Habituellement aidées par les systèmes de garde d’enfants, de périscolaire, de cantine, les femmes ont perdu, pendant le confinement, cette liberté d’action qui permet d’assurer sereinement une journée de travail. Bien entendu, de nombreux conjoints ont augmenté leur contribution à la vie de famille mais pour les parents isolés (85 % sont des femmes) l’équation était souvent difficile à résoudre.
Des choix économiques et pratiques
Selon les méthodes de calcul, les écarts de salaire entre hommes et femmes varient de 9 à 25 % en 2019. Lorsqu’il s’agit de privilégier une carrière par rapport à l’autre, les considérations économiques sont un des premiers critères pris en compte. Ainsi, il semble pragmatique, dans bien des cas, pour une femme laisser les meilleures conditions de travail à son partenaire. De plus, selon McKinsey, l’emploi des femmes serait 1,8 fois plus vulnérable en cas de crise que l’emploi masculin. L’emploi féminin représente 39 % de l’emploi mondial mais 54 % des emplois détruits. Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs les plus impactés par la crise : hôtellerie et restauration, tourisme, commerce.
Agir maintenant pour limiter la régression
Que faire pour rétablir la parité et limiter les impacts du COVID sur l’égalité homme/femme ? Certes, c’est aux couples de trouver l’équilibre qui leur convient dans le partage des tâches quotidiennes. Ne négligeons pas, cependant, le poids des stéréotypes et de l’autocensure qui pèsent sur chacun d’entre nous. L’Etat peut palier les inégalités par des mesures concrètes : des systèmes de garde facilitant la vie professionnelle, des aides financières pour les parents solo, l’accès à un équipement informatique et des réseaux essentiels pour le télétravail et l’éducation à distance, la revalorisation des métiers exposés… Mais il peut aussi participer au changement de mentalités en agissant sur la place du père auprès de ses enfants comme il vient de le faire avec un congés paternité de 24 jours. Reste maintenant aux hommes de se saisir de cette opportunité !
L’auteur est Susan Nallet, Directrice Carrières et Employabilité à Grenoble Ecole de Management.