spécial Président(e)s
« Il lui faut de l’analyse, du jugement, ne pas se laisser trop influencer, défendre ses convictions profondes, avoir la capacité à diriger, une légitimité… »
Voilà le début de l’énumération que Marie-Claire Lemaître, directeur général du cabinet de recrutement Mercuri Urval, dresse afin de définir le PDG parfait. Et sa liste est encore longue, tant les exigences qui pèsent sur les épaules du dirigeant sont nombreuses. Tellement longue, cette liste, que pour certains, elle en devient absurde. C’est le cas de Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC Paris, qui se refuse à répondre lorsqu’on lui demande de citer les qualités idéales d’un PDG. Il y a autant de PDG que d’hommes et d’entreprises, voilà ce qu’il pense. Marie-Claire Lemaître a d’ailleurs conscience que cette liste est très probablement un peu utopique. « Les surhommes n’existent pas, et un PDG n’a que 24 heures par jour, donc son premier talent, c’est de connaître ses atouts, d’une part, et les points sur lesquels il doit se faire aider, d’autre part. » Soyons donc pragmatiques : tout PDG est imparfait, voilà la triste réalité. Mais en voici une autre de réalité : tout PDG travaille dur, et puisque le travail, c’est la santé, la dirigeante de Mercuri Urval rappelle la seule condition indispensable pour rester un bon dirigeant : « Je vais vous surprendre : je pense qu’en premier lieu il faut une bonne condition physique. Ce sont des métiers extrêmement sollicitants. A un moment donné, on se rend compte que les responsabilités ne sont bien assumées que si des sphères de respiration sont ménagées. » Prenez donc le temps de respirer si vous voulez rester au sommet…
David vs Goliath
• « Dans une toute petite entreprise qui n’a pas les moyens de se payer un gestionnaire pur, la compétence du président, c’est la connaissance du métier de l’organisation. A l’inverse, dans un grand groupe, on voit souvent des dirigeants qui ne connaissent pas le cœur de métier de l’entreprise, dont la compétence est uniquement la gestion, le management des équipes. » Laurent Derivery, PDG de Valeurs et Développement, cabinet de conseil en RH.
• « Un patron de grande entreprise a des moyens et donc du temps, ce qui ne veut pas dire qu’il ne gère pas de l’urgence. Il peut dire à ses conseillers « Est-ce que vous pouvez vous renseigner sur la Corée ? » Le patron d’une petite entreprise, lui, est au four et au moulin en permanence. » Bernard Ramanantsoa, DG d’HEC Paris.
• « Le PDG d’une grande entreprise entre très peu dans la mise en œuvre des opérations, il n’a d’ailleurs pas les qualités pour le faire, mais il a des qualités de stratège. Par ailleurs, il a une durée de vie plus courte dans l’entreprise que celle d’un PDG de PME : s’il ne parvient pas à mettre en place une stratégie, il est sur un siège éjectable. » Marie-Claire Lemaître, DG de Mercuri Urval.
D’où viennent les PDG ?
« Il est rare que les nouveaux chefs d’entreprise arrivent de l’interne », constate Jean-Marie Hennes, administrateur de Syntec Conseil en Management. « Les possibles successeurs, ceux qui ont été préparés à le devenir en interne, accèdent rarement à cette responsabilité. La plupart des dirigeants de grands groupes (en-dehors du cas de successions familiales) arrivent en fait de l’extérieur. » Et ce sont généralement les cabinets de recrutement ou les chasseurs de tête qui les repèrent. Leur démarche ? « D’abord on arrête le rôle exact de la personne, on définit les qualités induites et on dresse le profil. Il y a ensuite une action difficile de recherche : il faut identifier des personnalités en mesure de remplir le rôle « , explique Marie-Claire Lemaître, qui rappelle la multiplicité de canaux dont disposent les cabinets (réseaux, organigrammes, presse spécialisée, suivi des nominations, fichiers personnels des consultants, annuaires des entreprises, etc). Un bémol, toutefois : les conditions que les clients imposent parfois pour le profil de leur nouveau dirigeant, par exemple lorsqu’ils cherchent absolument à coopter un ancien élève de leur école. « Dans ce cas, il faut reprendre chaque point qui ferme le profil, et les challenger. Pourquoi faut-il absolument qu’il ait fait les Arts et Métiers ?
A nous de mesurer le degré de perméabilité des interlocuteurs. Quand on sent que l’on peut faire évoluer la situation, là, on a gagné. Mais lorsque dans une entreprise tout le monde a fait la même école, ça sera très difficile de faire intégrer quelqu’un qui n’a pas fait cette école, et puis on l’amènera dans une sphère infernale. Il faut donc essayer de faire grandir le point de vue du client, mais il faut que ce soit possible, et que ce soit vivable pour la personne recrutée. » Bref, lutter contre la cooptation, oui, mais pas à tout prix.
Claire Bouleau