Six ans après Singapour, à quand un deuxième campus hors hexagone pour l’ESSEC ? Quelle stratégie à l’international pour cette école qui impose à ses élèves du Programme Grande Ecole de consacrer au moins 9 mois de leur scolarité à l’étranger ? La réponse dans cette interview de Pierre Tapie, directeur du groupe ESSEC.
L’ESSEC étant un établissement né en 1907 qui a toujours été sur les marches du podium, n’existe-t-il pas un risque de se reposer sur ses lauriers ?
Non ce risque n’existe pas. HEC et ESSEC jouent la compétition mondiale, et sont sûrement les deux seules business schools françaises à le faire. Nous sommes face à des business schools qui ont une vraie réputation historique (Harvard, Cambridge…), ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles forment mieux les gens que nous. Il y a une dynamique de compétition mondiale aujourd’hui. S’endormir sur ses lauriers serait refuser d’être international, or nous le sommes déjà. Plus on est confronté à l’international, plus on se sent petit, plus on est modeste, et moins on a de chance de s’endormir sur ses lauriers. Votre établissement s’est donné pour objectif de devenir reconnu mondialement. Est-il vraiment possible d’exporter et de faire adhérer ailleurs à ce modèle d’excellence français ? Bien sûr, c’est l’évidence. Je rentre de quatre jours à Singapour dans un univers confucéen et où l’ESSEC est une institution regardée, admirée, très identifiée. Donc la réponse est oui bien sûr. Et quand des gens aussi sélectifs que Dartmouth College choisissent de former le petit club des 5 qu’est le Council on Business and Society* c’est une reconnaissance de ce que nous sommes une école de stature mondiale. C’est un défi renouvelé, il faut consolider cette place, mais l’ESSEC est déjà une école de stature internationale.
En quoi consiste votre stratégie internationale ?
Elle est multiforme. La première chose consiste à avoir en France un campus international où un tiers des étudiants et près de la moitié des professeurs sont internationaux, et où nous exigeons de nos étudiants d’avoir une expérience très large. La deuxième chose c’est de s’appuyer sur un réseau de partenaires internationaux avec qui nous faisons des choses plus ou moins lourdes ensemble. Et cette perspective nous amène à renforcer la réputation de l’ESSEC dans ces pays. Le troisième pilier, ce sont les rankings internationaux, quand par exemple l’ESSEC passe devant l’INSEAD dans les rankings de formation continue**. Quatrièmement, le leadership intellectuel c’est-à-dire la production de recherche. Et enfin le fait que notre investissement à Singapour donne une dimension européano- asiatique à toute l’institution.
Est-il indispensable d’avoir des campus à l’étranger pour être visible à l’international ?
Un campus étranger est un grand plus mais ce n’est pas indispensable. Il est nécessaire d’être international mais il y a différentes manières d’être international. Cela dit, je pense que les institutions qui auront choisi d’être multi continentales absorberont plus facilement la richesse multiculturelle.
Pourquoi un campus à Singapour ?
Le choix c’était l’Asie, et une fois qu’on est en Asie, Singapour est le seul endroit complètement multi religieux, multiculturel, l’endroit qui soit vraiment asiatique et pas plus chinois, plus japonais. C’est un endroit agréable à vivre, qui a une énorme stabilité politique.
A quand un deuxième campus à l’étranger ?
Ca se regarde mais qu’il y ait quelque chose dans trois ou quatre ans ne me surprendrait pas.
Comment vendez-vous l’ESSEC à vos interlocuteurs hors Hexagone ?
Nous n’avons pas à vendre l’ESSEC aujourd’hui. Elle est suffisamment connue. Aujourd’hui nous avons des partenariats avec la plupart des gens qui nous intéressent. Désormais le point est plutôt à la sélection de nos partenaires et à choisir ce que nous voulons faire avec tel ou tel partenaire.
* Le Council on Business and Society est une alliance de cinq business schools internationales : l’ESSEC (France), University of Mannheim Business School (Allemagne), Tuck School of Business at Dartmouth (États-Unis), School of Management Fudan University (Chine) et Keio Business School (Japon).
** Dans le classement « Executive Education 2011 » du Financial Times du 9 mai 2011, l’ESSEC est classée 8ème devant l’INSEAD située en 10ème position.
Claire Bouleau