Edmonde Charles-Roux, femme de tous les combats

Edmonde Charles-Roux lauréate du prix Goncourt en 1966
Portrait reçu le 16 novembre 1966 d'Edmonde Charles-Roux, journaliste chez Vogue et écrivain. / AFP / UPI

[Portrait]

Edmonde Charles-Roux s’est éteinte à l’âge de 95 ans le 17 janvier dernier. Les plus jeunes d’entre vous ne la connaissent mais c’est véritablement une femme d’exception, à plus d’un titre, qui nous a quittés. Romancière, journaliste, résistante, elle était avant tout une femme libre qui d’avant-garde. Plus qu’une simple féministe, une vraie révolutionnaire !

Edmonde Charles-Roux lauréate du prix Goncourt en 1966
Portrait reçu le 16 novembre 1966 d'Edmonde Charles-Roux, journaliste chez Vogue et écrivain. / AFP / UPI

Même un livre ne suffirait pas à relater la vie et les engagements de cette écrivain, lauréate du prestigieux Prix Goncourt en 1966, reconnue par ses pairs. Pas étonnant puisque son prénom est un hommage à un ami de ses parents : Edmond Rostand.

La guerre, premier terrain d’engagement

Née en 1920, elle n’est pas encore majeure lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Malgré son jeune âge, elle n’hésite pas – elle prépare alors son diplôme d’infirmière – à se porter volontaire pour accompagner les soldats. Un « premier » engagement qui lui a vaudra une blessure lors des combats de 1940 mais aussi la Croix de guerre et le titre de caporal d’honneur de la Légion étrangère.

Edmonde rejoint alors les rangs de la Résistance et des francs-tireurs partisans communistes. Un « deuxième » engagement qui lui permet de rejoindre après le débarquement de Provence l’état-major du général de Lattre de Tassigny. Elle sera alors blessée une seconde fois mais il en faut plus pour démoraliser cette jeune rebelle.

Le féminisme dans la peau

Éprise de liberté, la jeune femme rompt alors avec son milieu bourgeois d’origine – son père est diplomate – et fréquente les milieux artistiques avant de faire ses gammes en tant que journaliste. Tout d’abord au sein de la rédaction du magazine Elle, puis à l’édition française du célèbre magazine de mode américain, Vogue, dès 1950, dont elle devient rapidement la rédactrice en chef. Elle y apporte alors un véritable vent de fraîcheur en y mêlant la mode et la culture grâce à de jeunes artistes visionnaires – comme elle – tels que le photographe Guy Bourdin, les auteurs François Nourissier et Violette Leduc, ou encore les créateurs Dior ou Saint Laurent. Mais dans les années 60, « être une femme libérée, tu sais, c’est pas si facile ».

Virée pour avoir voulu imposer une Noire en Une de Vogue

En 1966, elle est licenciée du jour au lendemain pour avoir voulu imposer une femme noire à la Une. Une évidence pour elle – et une réelle revendication à l’époque en faveur de l’émancipation de la femme –, une insulte pour ses patrons de la très conservatrice Amérique. Martin Luther King n’est pas encore mort mais le Ku Klux Klan non plus… et la guerre froide bat son plein. Or, son passé de résistante communiste et ses amitiés avec de nombreuses personnalités de gauche telles que Louis Aragon et Elsa Triolet ne plaisent guère outre-Atlantique. Il faudra alors attendre 1988 pour voir une mannequin noire, Naomi Campbell, sur la couverture du magazine. Soit 22 ans après !

Abattue Edmonde ? Loin s’en faut. La presse n’en veut plus ? Tant mieux, la France vient de gagner une grande écrivaine. L’année 66 marque ainsi la publication de son premier roman, chez Grasset, Oublier Palerme. Un coup de maître pour un coup d’essai qui lui vaut le prix Goncourt.

Féministe à la ville comme au travail

Libérée dans ses choix professionnels, elle l’est tout autant dans sa vie privée également à travers sa relation avec le maire de Marseille et ancien résistant lui aussi, Gaston Defferre, alors déjà marié et de dix ans son aîné. Il faudra attendre 1973 que leur relation devienne officielle.

Elle poursuit alors sa carrière d’écrivaine avec de nombreux ouvrages, tous chez Grasset. Parmi eux :

  • Elle, Adrienne, Grasset, 1971, roman
  • L’Irrégulière ou mon itinéraire Chanel, Grasset, 1974, biographie
  • Stèle pour un bâtard, Grasset, 1980, roman
  • Une enfance sicilienne, Grasset, 1981, roman
  • Un désir d’Orient, vol. I, biographie d’Isabelle Eberhardt, Grasset, 1989
  • Nomade j’étais, vol. II, Grasset, 1995
  • L’Homme de Marseille, Grasset, 2003, album photographique
  • Isabelle du désert, volume combinant « Un désir d’Orient » et « Nomade, j’étais », Grasset, 2003
  • Le Temps Chanel, La Martinière / Grasset, 1979, album photographique

C’est donc naturellement qu’elle rejoint en 1983 l’Académie Goncourt. Elle y impose alors – sans se faire virer cette fois-ci – le Goncourt des Lycéens et le Goncourt du premier roman, deux prix très reconnus aujourd’hui et très appréciés des lecteurs. Elle prend la présidence de l’Académie en mars 2002 jusqu’en 2014, année de son passage de témoin à Bernard Pivot.

Une femme de conviction, engagée dans tous les combats pour la liberté et l’émancipation des femmes, qui n’a jamais baissé les bras devant l’adversité et a su s’imposer dans des milieux « d’hommes », même à des époques où les mœurs n’étaient pas si ouvertes. Une précurseur et une vraie aventurière qui a un peu permis aux femmes d’aujourd’hui d’être ce qu’elles sont. Merci Edmonde !

Violaine Cherrier

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