Alain Ayache
Alain Ayache

Du rififi dans les grandes écoles ?

Etes-vous amené à prendre des sanctions dures à l’encontre de vos collaborateurs
ou de vos élèves ?

La direction d’un établissement nécessite quelquefois de prendre des sanctions à l’égard de collaborateurs ou d’élèves qui commettent des fautes. Quelle est la fréquence de ce type de décision ? Jusqu’à cela peut-il aller ? Qu’en pensent les principaux intéressés et comment vivent-ils ces périodes ?

 

Quelle est l’attitude d’un élève que vous supportez le moins ?

La vie en société, la direction de groupe n’est pas toujours synonyme de quiétude et de tranquillité. Mais c’est le lot de ce type de fonction qui consiste à manager des équipes aussi diverses soient-elles. Si, de façon logique, les rapports avec les individus peuvent causer des tensions, il n’en reste pas moins que certaines attitudes peuvent paraître insupportables. Lesquelles ?

 

Alain Ayache
Directeur de l’INP-ENSEEIHT

Alain Ayache
Alain Ayache

Dans le public, un directeur ne peut rien imposer. Mon rôle est surtout de convaincre. Si j’utilisais la solution forte, le résultat serait à l’opposé de ce que je souhaite obtenir. J’ai surtout un rôle d’orientation. En tant que directeur, je suis amené à sortir de l’environnement de mon école ce qui me permet de voir comment évoluent les autres structures et d’insuffler de nouvelles orientations à mon établissement. Quant aux élèves, j’utilise surtout le dialogue. Je convoque le conseil de discipline de l’INPT que très rarement.

Je n’apprécie pas les élèves qui ne se prennent pas en charge et estiment que la structure leur doit des prestations sans qu’eux-mêmes aient la volonté d’apporter quoi que ce soit en retour.

 

Bernard Belletante
Directeur d’Euromed Marseille

J’ai été amené à prendre des sanctions comme dans toute organisation. Je ne supporte pas l’arrogance qui se double le plus souvent d’incompétence.

 

Bruno Verlon
Directeur de l’Ecole des Mines d’Albi

A l’encontre de mes collaborateurs, je n’ai jamais eu à prendre de sanctions graves. Quant aux élèves, il arrive qu’il y ait des exclusions d’un mois. Récemment, un élève ingénieur qui n’avait pas satisfait à un critère de notation, s’est vu refuser son diplôme.

 

Hervé Biausser
Directeur de l’école Centrale Paris

Hervé Biausser
Hervé Biausser

Par deux fois, j’ai dû me séparer de collègues de l’équipe de direction tout en les aidant à retrouver un emploi : nous nous situons dans une tradition publique et de respect des personnes, et non dans un management sévère ! Je ne supporte pas le non-respect de la parole donnée.

 

Christine Pochet
Directeur de l’IAE de Paris

Depuis ma prise de fonction en mai 2009, je n’ai pas eu à prendre de sanctions sévères envers les étudiants ni envers le personnel administratif.
La lâcheté. Par exemple, hier, j’ai reçu un e-mail anonyme, ce qui est très désagréable, les dysfonctionnements survenant dans un cours pouvant m’être signalés de façon normale !

 

François Bonvalet
Directeur de RMS

Je n’ai pas sanctionné mais simplement recadré des collaborateurs. En revanche, cela arrive avec les élèves même si c’est assez rare, un Conseil de discipline existe pour cela.
Je ne supporte ni les élèves prétentieux, ni les élèves irrespectueux. A RMS, il en existe très peu et les entreprises nous apprennent que nos élèves n’ont pas « la grosse tête » !

 

Florence Darmon
Directeur général de l’ESTP

Florence Darmon
Florence Darmon

Comme dans toute entreprise, je suis amenée à prendre des sanctions car je considère que je gère une PME, d’autant plus que l’ESTP est gouvernée par un conseil d’administration constitué pour la majorité de chefs d’entreprise, confrontés eux-mêmes à certaines exigences en matière de gestion du personnel. Mon équipe travaillant sur objectifs, il faut savoir encourager les réussites, et donc sanctionner les attitudes anormales. Les sanctions à l’encontre d’étudiants sont également nécessaires s’ils n’obtiennent pas les résultats escomptés ou pour des problèmes de comportement.

Je n’apprécie pas les élèves qui, n’arrivant pas à se considérer comme de futurs dirigeants, ne prennent pas conscience de leurs responsabilités.

 

 

Pierre Charreyron
Président d’UTC

Je n’ai pas encore eu à sanctionner mais les sanctions sont des garde-fous utiles en cas de manquement. J’aime l’enthousiasme chez les élèves et donc a contrario, je n’aime pas les élèves blasés. Heureusement, c’est très rare !

 

Pascal Brouaye
Directeur de l’ECE

Fonctionnant comme une organisation privée nous sommes tenus à la rigueur du monde de l’entreprise. Quant aux élèves, nous les sanctionnons essentiellement pour des problèmes de comportement et en particulier nous sommes exigeants sur l’assiduité. Dans un autre registre, nous avons pris récemment des sanctions sévères pour des questions de plagiat avec une exclusion d’une année.

 

Frédéric Fotiadu
Directeur de l’Ecole Centrale Marseille

Frédéric Fotiadu
Frédéric Fotiadu

Cela ne m’est jamais arrivé peut-être parce que nous sommes une école de projet où l’on adhère ou pas. Mes seuls rappels à l’ordre ont consisté dans des interventions lors de la campagne du BDE et dans un rappel aux responsabilités collectives au travers de la vie associative.
Je n’aime pas le désengagement car il s’agit d’une attitude marginale qui mène à la passivité, à la paresse intellectuelle et à l’absence de curiosité.

 

Pierre Giorgini
Directeur général du groupe ISEN

Concernant les collaborateurs, cela ne m’est jamais arrivé pour le moment… avec les élèves, je cherche à résoudre les conflits par le dialogue avant d’employer des méthodes coercitives.

J’ai été élevé dans le culte de l’effort et je comprends difficilement l’attitude qui consiste à produire un effort minimum pour un résultat maximum. Parfois, cette mentalité pousse les élèves à choisir des modules en fonction de la probabilité d’avoir une bonne note sans faire trop d’efforts au lieu de se concentrer sur leurs centres d’intérêts. Je ne supporte pas ce qui touche à la dignité de l’autre et je suis très satisfait de l’interdiction du bizutage. Nous sommes très vigilants sur les jeux qui se pratiquent dans les séminaires d’intégration que nous organisons.

 

Alain Dorison
Directeur des Mines d’Alés

Cela m’est arrivé… jusqu’à l’exclusion d’élève pour insuffisance de résultats, souvent liée à une erreur d’orientation. J’ai également licencié des collaborateurs pour fautes d’éthique.

 

Patrick Chedmail
Directeur de l’école Centrale Nantes

Les étudiants qui ne fournissent pas un travail suffisant et n’obtiennent pas les résultats attendus sont exclus de l’école mais cela arrive rarement. Concernant les collaborateurs, nous ne sommes pas dans une logique de sanctions mais dans une logique de management du personnel appuyé sur une direction des ressources humaines.
Je trouve particulièrement irritants les élèves qui profitent de la gratuité de l’enseignement à Centrale Nantes sans donner d’eux-mêmes en retour, sans s’investir sérieusement.

 

Alice Guilhon
Directrice Générale de SKEMA

Alice Guilhon
Alice Guilhon

S’il y a déviance des élèves vis-à-vis du règlement, les sanctions peuvent être dures. Il en va de même pour les collaborateurs même si  je considère que tout le monde a le droit à l’erreur, au moins une fois. Je n’apprécie pas les élèves qui se prennent au sérieux et manquent parfois de respect envers les autres.

 

Patrice Houdayer
Directeur général délégué EMLyon Business School

La sanction tombe lorsque le comportement individuel n’est pas en cohérence avec les valeurs de l’institution qui ne sont pas négociables !
Le non-respect des valeurs essentielles de l’école ! EMLyon étant axé sur la diversité et le respect d’autrui, les étudiants ne doivent pas utiliser des chemins de traverse pour se dérober à leurs obligations comportementales.

 

Frank Vidal
Directeur général d’Audencia Nantes

Il faut parfois prendre des sanctions pour rappeler la norme, qu’elle soit académique ou disciplinaire. Cependant, la sanction n’a pas de sens si elle n’est pas assise sur des règles clairement énoncées au préalable et si elle ne s’inscrit pas dans une visée pédagogique.
Je n’apprécie pas le manque d’humilité, mais l’équipe pédagogique arrive le plus souvent à trouver un équilibre en expliquant aux élèves que le fait d’intégrer une très bonne école leur donne plus de responsabilités que de droits.

 

Etienne Craye
Directeur de l’Ecole Centrale Lille

Nous sommes très vigilants quant à la problématique du plagiat lorsque les élèves travaillent en autonomie sur internet. C’est un sujet qui peut nous amener à prendre des sanctions.
Je ne supporte pas l’irrespect dans l’institution car les élèves doivent être conscients de la chance qu’ils ont de bénéficier d’une formation de grande qualité dans un établissement public.

 

Catherine Leblanc
Directrice générale du groupe ESSCA

Catherine Leblanc
Catherine Leblanc

Si à l’égard des élèves, j’ai dû prendre des sanctions sévères, ce qui fut heureusement exceptionnel, cela ne m’est pas arrivé en ce qui concerne mes collaborateurs qui veulent surtout être efficaces pour leur école. Nous travaillons beaucoup en équipe, et le dialogue aplanit les difficultés. J’ai horreur de l’arrogance, en général..

 

Jean-Guy Bernard
Directeur Général de l’EM Normandie

Nous sommes passés du statut consulaire au statut privé avec très peu de départs dans nos rangs et il n’y a jamais eu de licenciement. Concernant les élèves, nous sommes amenés à prononcer quelques exclusions temporaires mais heureusement très rarement des exclusions définitives. Je n’apprécie pas l’arrogance et la prétention.

 

Pierre Tapie
Directeur de l’ESSEC

Dans une entreprise de 600 personnes, il peut arriver qu’on licencie un collaborateur. Quant aux élèves, nous sommes parfois amenés à prendre des décisions très lourdes.
Je ne supporte pas l’irrespect. Avec des élèves brillants qui ont la chance d’être ici, nous sommes contrariés lorsque  certaines attitudes ne sont pas dignes d’eux-mêmes.

 

Michel Jauzein
Directeur de l’école des Mines de Nancy

Directeur des études pendant 5 ans, j’ai été amené à prendre des mesures telles que l’arrêt de scolarité pour des élèves ne réussissant pas à atteindre les objectifs fixés. Concernant les collaborateurs, certaines décisions me paraissent sinon dures, du moins difficiles à prendre.
Certains élèves donnent l’impression de tout savoir et n’ont pas le recul suffisant pour comprendre que les trois années d’études vont les changer.

 

Hervé Laborne
Directeur d’Esme Sudria

Hervé Laborne
Hervé Laborne

Les jeunes n’ont plus la même vision du travail qu’autrefois. Nous sommes donc amenés à prendre, non pas des mesures de rétorsion, mais des mesures de formation afin qu’ils soient prêts à affronter les codes de conduite de l’entreprise. Je n’ai pas eu à prendre de sanctions lourdes contre des collaborateurs mais lorsque les élèves deviendront les collaborateurs de demain, il se peut que ça change !
Je n’apprécie pas les élèves qui assistent aux cours sans travailler. Ils devraient assumer le fait de rester chez eux. En revanche, j’apprécie qu’un élève soit capable de s’opposer à un professeur.

 

Pascal Morand
Directeur de ESCP Europe

En tant que dirigeant, je dois parfois prendre des décisions difficiles mais je m’attache à ce que la dimension humaine soit toujours préservée.
La question est délicate car derrière une attitude négative peut se cacher une faille, une période difficile pour l’élève et la communication, le fait de discuter avec lui aplanit souvent ce genre de problème.

 

Arnaud Langlois-Meurinne
Directeur général de Rouen Business School

Cela m’est arrivé en proportion avec la gravité des faits, notamment pour des manquements à l’éthique qui doit être le ciment de nos communautés. L’important, c’est que les sanctions soient justes et bien comprises.
Je considère que c’est une chance d’intégrer une école avec autant de ressources intellectuelles et logistiques. Je ne supporte donc pas qu’un élève « dilettante » prenne la place d’un autre.

 

Jean-claude Duriez
Directeur de l’Ecole des Mines de Douai

Cela arrive jusqu’à des sanctions financières, voire de plus graves pour certains collaborateurs. Quant aux élèves, il peut y avoir des renvois ; en particulier, je ne tolère pas le manque de respect, que ce soit d’un élève envers le personnel ou vice-versa. Je prends toujours conseil avant de sanctionner une personne qui a la possibilité de se défendre en se faisant accompagner. Il faut que la sanction soit juste et utile.

 

Thierry Robin
Directeur général du Groupe ESC Clermont

Thierry Robin
Thierry Robin

La question ne s’est pas posée jusqu’à présent en dehors des conseils de discipline classiques (problèmes de plagiat, par exemple). En ce qui concerne le personnel, je n’ai pas eu à prendre ce type de décision.
Je ne supporte pas l’arrogance, contraire à l’esprit que nous nous efforçons de développer. Je n’apprécie pas non plus la démarche qui consiste à généraliser à partir d’un cas particulier car cela va à l’encontre de l’esprit critique ; en un mot, je n’aime pas les jugements à l’emporte-pièce.

 

Hervé Passeron
Directeur du Groupe  ESC Toulouse

Il m’est arrivé plusieurs fois de révoquer des collaborateurs en cas de faute lourde comme dans toute entreprise. Il en est de même pour les élèves.
J’attache beaucoup d’importance à la loyauté et je n’apprécierais pas un élève déloyal à son institution ou à ses camarades.

 

Brigitte Plateau
Directrice de l’Ensimag

Cela n’est pas encore arrivé et j’essaie de tout faire pour ne pas en arriver là. Je préfère anticiper et utiliser la diplomatie.
Je ne supporte pas l’arrogance et  la certitude de tout savoir, comportements qui constituent en réalité un manque d’ouverture.

 

Yves Demay
Directeur de l’ENSTA ParisTech

Cette année, j’ai réuni à deux reprises le conseil de discipline, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Les décisions ont été prises dans un large consensus. Concernant le personnel, nous sommes dans une logique de fonction publique mais certaines personnes peuvent changer de poste ou s’entendre conseiller d’envisager une autre carrière !

 

Jean-Paul Hautier
Directeur général des Arts et Métiers ParisTech

 Jean-Paul Hautier
Jean-Paul Hautier

Il m’est arrivé de ne pas reconduire le contrat de collaborateurs.

Je n’aime pas cette façon de camper sur une position sans avoir le recul nécessaire. Par exemple, les élèves pensent encore que la recherche ne concerne pas l’ingénieur. Il faut dire à leur décharge que les prépas les formatent et qu’ils sont un peu déstabilisés lors de leur entrée dans l’école.

 

Stéphane Cassereau
Directeur de l’Ecole des Mines de Nantes

Il faut trouver un juste équilibre entre les récompenses et les sanctions. La sanction est nécessaire car on ne gagne rien à laisser croire que tout est permis. Les élèves peuvent être exclus pour insuffisance de résultats ou pour des problèmes de discipline. Concernant le personnel, il m’est arrivé de devoir recadrer des personnes et même d’engager des mesures à caractère disciplinaire. Dans une organisation, cela fait partie de la vie collective.

 

Philip McLaughlin
Directeur BEM

Il m’est arrivé de faire des rappels à l’ordre, mais sans plus, car notre métier appelle en faveur d’un travail en communauté, avec beaucoup d’empathie.
Je n’aime pas le défaitisme, le fait de ne pas assumer ses responsabilités, de rejeter ses échecs sur les autres.

 

Patrick Simon