SKEMA Business School
Similaire au crowdsourcing qui fait appel à la foule pour recevoir des idées, du feedback ou des solutions pour développer un projet, l’idée du crowdfunding (financement participatif, en français) est de récolter du financement sur Internet pour une entreprise ou un projet spécifique. Quelques entrepreneurs proposent même de faire participer la foule dans certains choix stratégiques de leur entreprise. Au lieu de lever des fonds d’un petit groupe d’investisseurs, le crowdfunding fait donc appel à un public large et peu spécialisé en demandant à chacun des tout petits montants. Mis ensemble, ces petits montants peuvent devenir conséquents. Un grand nombre de plateformes de crowdfunding sont disponibles aujourd’hui pour aider les entrepreneurs ou simples porteurs de projet à réaliser leur compagne de crowdfunding. Certaines de ces plateformes sont des « généralistes » comme Kickstarter (Etats-Unis). D’autres sont des « spécialistes » qui se concentrent sur des produits ou industries spécifiques, par exemple Sandawe (pour les BD), Apps Funder (pour les applications smartphone) et MyMajorCompany (pour la musique).
Un bel exemple de crowdfunding réussi est BorderLine (www.border-line.fr), une entreprise de jus créée par quatre diplômés de SKEMA Business School. Via la plateforme Reservoir Funds, ils ont su lever plus de
5000 euros de 83 donateurs pour financer un relifting de leur bouteille en plastique. D’autres ont levé des fonds sous forme d’émission d’actions, via des plateformes telles que WiSEED (Toulouse) ou SeedMatch (Allemagne). Tout récemment, AoTerra, qui utilise l’énergie générée par les serveurs informatiques pour le chauffage des bâtiments, a levé 1 million d’euros sur SeedMatch. Un autre exemple est Pebble, qui a levé plus de $10 millions sous forme de pré-achat sur Kickstarter.
Le crowdfunding n’est cependant pas nouveau. Même la construction de la statue de la Liberté à New York a été financée en partie ainsi. Ce qui est nouveau, c’est le fait que le crowdfunding est à présent accessible aussi aux petites entreprises. Une des raisons de ce changement réside dans le fait que les réseaux sociaux sur Internet ont créé de nouveaux canaux de communication. Ils ont permis l’accès à de nouveaux types d’investisseurs et ce, à un coût pratiquement nul et sans barrière géographique. D’autre part, Internet offre des façons de créer et de structurer des opportunités entrepreneuriales tout à fait nouvelles. De nombreux projets ont une durée de vie limitée, telles que les applications de smartphones pour Android ou Apple. Ces projets peuvent être intégrés dans une dynamique plus globale, que ce soit sous la forme d’un serial-entrepreneur qui met en place plusieurs projets en parallèle ou séquentiellement dans le temps, ou d’un entrepreneur en quête d’un financement plus classique de son entreprise.
En regardant de plus près, on constate que cette forme de financement n’est pas adaptée pour tous les entrepreneurs et comportent de multiples risques tant pour l’entrepreneur que les donateurs. En revanche, le crowdfunding peut constituer un atout primordial pour d’autres, notamment un entrepreneur désireux de faire connaitre son produit à travers les réseaux sociaux. Dans d’autres cas, le crowdfunding permet de valider une idée originale auprès d’un public cible averti, ce qui peut représenter une analyse de la demande potentielle fort intéressante. Dans ce cas, le crowdfunding peut s’insérer dans une logique plus large de développement d’entreprise, mais à travers le processus de levée de fonds.
Le marché du crowdfunding est en forte évolution. Pour bon nombre de plateformes, il reste encore à trouver le bon « business model ». A terme, une consolidation du marché sera nécessaire. De plus, une nouvelle génération de plateformes apparaît, qui travaille plus étroitement avec les acteurs financiers traditionnels tels que les banques, les capital-risqueurs et business angels. Aujourd’hui, il est donc trop tôt pour estimer le potentiel réel, mais les expériences récentes démontrent bien que les entrepreneurs n’ont pas fini de nous surprendre et de nous montrer le potentiel du concept de crowdfunding.
Par Armin Schwienbacher
Professeur de finance à SKEMA Business School et Université Lille 2