Devant les plus de 600 personnes venues assister à la matinée de conférences de Passeport Avenir, célébrant à la fois les 5 premières années de l’association et la nouvelle rentrée des classes 2011/2012, la table ronde « Et si Passeport Avenir n’existait pas… » a suscité de nombreux échanges. Compte-rendu d’une discussion animée…
Lors de l’événement de rentrée de Passeport Avenir, qui s’est déroulé le 24 novembre dernier au cinéma MK2 Bibliothèque (Paris 13), s’est tenue une table ronde intitulée « Et si Passeport Avenir n’existait pas… ». Animée par Vincent Edin, celle-ci a réuni :
Jean-François Bourdon, Chef de Bureau de la Politique d’Education Prioritaire et du Dispositif d’Accompagnement du Ministère de l’Education Nationale
Guy Carcassonne, Professeur de Droit Public à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Patrick Scharnitzky, Professeur affilié à ESCP Europe
Ben Verwaayen, Directeur Général d’Alcatel-Lucent
Retrouvez la vidéo de la table ronde en suivant ce lien : http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=3tGlRugiuIE
Et si Passeport Avenir n’existait pas ?
Ses élèves ne bénéficiant pas encore du programme de l’association, Guy Carcassonne, Professeur de Droit Public à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, peut facilement s’en rendre compte. « La discipline que j’enseigne ne fabrique pas de chômeurs. Mais certains jeunes, issus de milieux défavorisés, ont besoin de plus de temps pour trouver un emploi, qui plus est pas toujours en phase avec leur niveau de qualification », déclare-t-il. « Ils ne connaissent en effet pas les codes de l’entreprise, n’ont pas les bons réseaux, personne pour les accompagner. Ils sont véritablement handicapés, ne serait-ce que pour trouver un stage. »
Si la création de fondations d’entreprise, rendues possibles par la loi du 24 août 2008 sur l’autonomie des universités, a amené de bonnes pratiques dans l’enseignement supérieur, « certains professeurs ont encore des réticences, par peur d’une marchandisation des contenus », poursuit Guy Carcassonne. « Or, les entreprises sont suffisamment intelligentes pour accepter un regard critique. Et au-delà, ce type d’enseignement est utile, car il apporte la certitude que ce sont bien les compétences attendues qui sont dispensées. »
Avant même de commencer des études, les jeunes rencontrent deux difficultés majeures. En premier lieu, ils ont du mal à se repérer dans l’orientation, à connaître la carte des possibles. Ensuite, ils doivent réussir à se convaincre que la formation qu’ils ont choisie est faite pour eux, qu’ils en sont capables. « Ces difficultés, Passeport Avenir les combat en misant sur le tutorat et l’accompagnement, en détectant les potentiels et en envisageant les capacités sur le long terme », souligne Jean-François Bourdon, Chef de Bureau de la Politique d’Education Prioritaire et du Dispositif d’Accompagnement du Ministère de l’Education Nationale. « Dans ce sens, l’association apporte à l’Education Nationale le côté humain qui lui manque encore trop. »
« Bien souvent, ce n’est en effet pas le quotient intellectuel qui fait la différence, mais la confiance en soi », enchaîne Patrick Scharnitzky, professeur affilié à ESCP Europe. Selon lui, il existe en France beaucoup de préjugés négatifs sur les jeunes. Les stigmatiser les conduit à avoir une mauvaise image d’eux-mêmes et à finalement endosser l’idée qu’ils sont incompétents. « Passeport Avenir leur apporte un message fort, qui joue au niveau du psychique. Elle redore également le blason de l’école en tant que facteur d’intégration, en envoyant une image sociale positive du travail. »
« Je n’aime pas le mot « victime », qui n’est pas fait pour aider la motivation des jeunes », ajoute Ben Verwaayen, Directeur Général d’Alcatel-Lucent. « Passeport Avenir avait peut-être un rôle social à sa création, mais les programmes que l’association mène aujourd’hui sont devenus une nécessité. » En effet, dans un monde de concurrence internationale, il n’est pas seulement important de faire appel à la diversité, cela devient essentiel à la croissance, voire la survie, des entreprises. « Nous sommes aujourd’hui en période de crise et ce n’est pas ma génération qui trouvera la solution pour en sortir », poursuit-il. « Nous avons beaucoup à apprendre des jeunes, de tous les jeunes. Les actions de Passeport Avenir permettent de les mobiliser et donnent aux entreprises un accès à l’ensemble du vivier de talents, pas seulement à une minorité. »
Jean-François Bourdon ajoute : « La diversité est encore trop souvent perçue comme une contrainte. Les entreprises s’y engagent, certes, mais pour de mauvaises raisons – morales, juridiques ou financières. Passeport Avenir a aussi ce rôle de persuasion, qui permet aux entreprises de prendre conscience du fait que la diversité est avant tout source de performance. »
La portée de Passeport Avenir s’étend également à d’autres programmes plus spécifiques. Ainsi, dès 2009, Alcatel-Lucent a lancé, en collaboration avec l’association, « We made it! », un concours qui permet aux lauréats de partir une semaine à New York pour parfaire leur anglais. Dans le même esprit, Alcatel-Lucent a également recruté des tuteurs parmi ses collaborateurs américains, pour des échanges téléphoniques avec les étudiants français. « Le 21ème siècle est synonyme de globalité, de mobilité, de communications avec le monde entier. Ce n’est plus suffisant aujourd’hui d’être un bon professionnel dans son pays », explique Ben Verwaayen. « Nous avons commencé avec les Etats-Unis, mais pourquoi pas étendre ce dispositif à la Chine et, plus généralement, aux pays de l’Est. »
Patrick Scharnitzky conclut : « C’est symptomatique : tous ceux qui ont réussi leurs études racontent avoir fait, à un moment dans leur scolarité, la rencontre d’une personne qui leur a fait prendre conscience de leurs capacités. Passeport Avenir, au travers de ses tuteurs, joue ce rôle de déclencheur de confiance en soi. »
Un passage par Passeport Avenir, qu’est-ce que ça change concrètement ?
A l’issue de la table ronde, trois étudiants bénéficiant ou ayant bénéficié du programme, sont venus apporter leurs témoignages personnels.
Bastien est un des plus anciens élèves tutorés de Passeport Avenir, qui a intégré le programme dès la rentrée 2005/2006 et durant toutes ses années d’études supérieures. Aujourd’hui, il occupe un poste de Chef de Projet chez SFR. « Il est naturel pour moi d’entretenir le cercle vertueux, qui a le pouvoir de changer les comportements en profondeur », déclare-t-il. « C’est pourquoi j’ai décidé de devenir à mon tour tuteur au sein de l’association, afin de pouvoir aider d’autres jeunes. »
Sonia participe au programme depuis sa 2ème année de classe préparatoire. « Ca a été une grande chance pour moi », précise-t-elle. « Un tuteur a un rôle de catalyseur. Il sert de modèle, notamment quand, dans sa famille et son entourage, personne n’a fait de longues études. » Sonia compte également devenir tutrice dans quelques années, pour pouvoir donner autant qu’elle a reçu.
Ibrahim a, quant à lui, été accompagné par deux tuteurs au cours de ses études. « Tous deux m’ont fait découvrir le monde de l’entreprise et rencontrer des professionnels de la finance, le métier vers lequel je me dirigeais », souligne-t-il. « Et, cerise sur le gâteau, c’est également avec l’aide de ma dernière tutrice que j’ai pu entrer en stage chez Gemalto, où j’ai finalement signé un CDI en août dernier. » A l’instar de ses camarades, Ibrahim compte bien devenir prochainement tuteur chez Passeport Avenir.
A la suite de ces débats, Gilles Kepel, Professeur des Universités à Sciences Po, est venu présenter les grandes lignes de « Banlieue de la République », une enquête de terrain parue en octobre dernier et qu’il a dirigée. Pendant plus d’un an, Gilles Kepel et son équipe ont interrogé les habitants de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil en Seine-Saint-Denis, s’intéressant particulièrement à la dimension d’éducation, mais également à celles de logement et rénovation urbaine, d’emploi et de sécurité. Le but de cet ouvrage est notamment de contribuer à rendre intelligibles ces quartiers dits sensibles, où la « niaque » et la « débrouille » sont la base de tout parcours de réussite.
Pour Passeport Avenir, l’année scolaire 2010/2011 a représenté 711 élèves accompagnés individuellement (dont 74% de boursiers), par 688 tuteurs issus de ses 15 entreprises partenaires. Au travers des ateliers, ce sont plus de 3 000 étudiants qui ont bénéficié de l’accompagnement collectif de Passeport Avenir. Avec 88% d’élèves intégrant une Grande Ecole et 9% de redoublant volontaires, l’association fait un bilan plutôt positif de cette année passée.
A propos de Passeport Avenir
Créée en 2005, l’association Passeport Avenir est née du constat suivant : les jeunes issus de milieux modestes, en raison de discriminations persistantes et d’un déterminisme social, géographique ou culturel, sont sous représentés dans les grandes écoles de management, d’ingénieurs, ou dans les filières d’excellence universitaire françaises. Partant du postulat que les entreprises ont un rôle déterminant à jouer pour faire évoluer cette situation, Passeport Avenir a su mobiliser 15 grandes entreprises* qui, par le biais de différentes initiatives (tutorat, découverte de l’entreprise & des métiers, préparation au concours, etc.) proposées à l’attention d’élèves de lycées, de « prépa » et d’établissements d’enseignement supérieur, ont souhaité leur faciliter l’accès au monde professionnel, leur faire percevoir les enjeux au-delà des études et susciter des vocations. Passeport Avenir est par ailleurs soutenue par le ministère de l’Education Nationale, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et par le Ministère de la Ville.
Notre site Web : http://passeport-avenir.com/
* Accenture, Alcatel-Lucent, Atos France, Capgemini France, Devoteam, Ericsson France, Gemalto, Nokia Siemens Networks France, Orange, Qualcomm, Sagemcom, SFR, SNCF, Accor et le Crédit Mutuel.
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