Ces dernières décennies, le plaisir alimentaire a été considéré comme étant inconciliable avec une bonne alimentation. Il y avait d’une part des aliments « plaisir » et d’autre part des aliments « santé ». Des travaux récents en psychologie et en neurosciences battent en brèche cette idée reçue et repositionnent le plaisir au centre des questions et enjeux de nutrition. Les recherches dans le laboratoire INRA/AgroParisTech de Physiologie de la Nutrition et du Comportement Alimentaire portent sur cette notion simple en apparence mais en réalité complexe et multi-face. L’objectif de ces recherches est de mieux appréhender les ressorts du plaisir alimentaire afin de comprendre à quelles conditions le plaisir alimentaire peut être un levier efficace de promotion d’une meilleure alimentation.
Qu’est ce que le plaisir alimentaire ?
Les physiologistes définissent le plaisir alimentaire comme un état de bien-être transitoire provoqué par l’anticipation de la consommation d’un aliment ou par la consommation d’un aliment. Ce processus est central dans le comportement alimentaire pour trois raisons : tout d’abord le plaisir alimentaire est à la base de la construction de nos choix et par conséquent au coeur même de la construction de nos comportements alimentaires. Le plaisir alimentaire est aussi important pour assurer le bon fonctionnement de l’organisme car il peut orienter notre comportement alimentaire pour satisfaire une demande spécifique de l’organisme en énergie ou en nutriments. Enfin le plaisir est aussi clé dans les processus de satiété et de rassasiement car la « satisfaction » est un critère important pour décider d’arrêter de manger.
Nous travaillons tout particulièrement sur les neurosciences du plaisir alimentaire et notamment sur les questions relatives à la neurobiologie du plaisir anticipé et aux processus mentaux de prise de décision. On sait en effet que les réseaux neuronaux qui produisent le plaisir dans le cerveau anticipent le plaisir associé à la consommation d’un aliment et que c’est sur la base de ces « attentes » qu’on effectue nos choix alimentaires. Nous essayons de comprendre dans quelle mesure ces anticipations conditionnent le plaisir réellement perçu lors de la dégustation. Pour cela nous travaillons chez l’humain où nous réalisons des expériences d’imagerie cérébrale en laboratoire mais aussi en situation réelle sur différents terrains comme les cantines scolaires, les commerces alimentaires ou les restaurants avec des techniques qui relèvent de la psychologie cognitive et de l’économie expérimentale. À terme, ces recherches pourraient notamment permettre de proposer des stratégies efficaces et durables (car suscitant l’adhésion des individus) pour promouvoir une meilleure alimentation comme par exemple la modification de la perception hédonique de produits de bonne qualité nutritionnelle afin d’en favoriser la consommation.
Par NICOLAS-DARCEL
Maitre de Conférences en Nutrition à AgroParisTech rattaché au laboratoire INRA/AgroParisTech de Physiologie de la Nutrition et du Comportement Alimentaire (dirigé par le Pr. Daniel Tomé) ; il est coordinateur de la chaire d’enseignement et de recherche Aliment Nutrition et Comportement alimentaire (ANCA).