Complexité, comment l’apprivoiser ?

Dans un monde en évolution rapide où les technologies jouent un rôle majeur, apprivoiser la complexité est une véritable quête. La maîtrise de la complexité revêt une finalité quasi existentielle pour l’humanité : garder la main sur son destin.

 

« La complexité est mère de tout ce qui est lié à la métamorphose numérique » annonce Francis Jutand, DGA de l’IMT. Plus précisément, elle est née de la convergence entre les supports (télécoms, informatique, média…).

 

Comportement Lamarckien

L’évolution est de type Lamarckien avec une succession de phases de rupture. A ce jour, une dizaine s’est produite depuis la simplification des outils bureautiques jusqu’à l’algorithmisation et la réalité virtuelle. « Les mutations se combinent et se produisent très rapidement, formant un ensemble complexe et des bifurcations du système » ajoute Francis Jutand.

 

Matrix, c’est déjà aujourd’hui

La moindre machine, usine ou auto est à commande numérique. « Nous disposons de tous les éléments pour simuler le monde, cela s’appelle Matrix ! » résume l’expert en numérique.

Alors que le processus de complexification poursuit sa course, le cerveau humain reste-t-il apte à appréhender tant de données, commandes, interactions et conséquences ? Pour Francis Jutand, la réponse est déjà apportée par l‘intégration croissante d’agents intelligents dans les machines. « Nous en avons besoin de l’IA pour trois raisons :

  1. Il devient complexe de planifier et calculer à un tel rythme pour un cerveau humain
  2. Le monde numérique fonctionne à une vitesse supérieure à la réaction humaine
  3. L’interaction entre agents intelligents permet la gestion en temps réel, la prédiction. »

 

Se mouvoir dans un monde VUCA

Le monde de l’entreprise est ainsi soumis à de fortes pressions environnementales. « Dans un monde qui n’est plus ni linéaire, ni binaire, 4 déterminants majeurs sont en jeu, décrypte Béatrice Collin, Doyen de la faculté et professeur de stratégie à ESCP Europe : VUCA, V pour volatility, U pour uncertainty, C pour complexity et A pour ambiguity ». Le défi de se mouvoir dans un monde VUCA est exacerbé lorsqu’appliqué au management, par essence lui aussi complexe puisqu’il touche à l’humain, confronte à l’altérité.

 

Décider dans l’incertitude et la complexité

Dans l’entreprise, il faut de l’efficacité, trouver une façon d’opérer par co construction, par confrontation des idées. A un moment, le leader décide, considérant que le degré d’incertitude est acceptable. « Il s’appuie sur son intuition, son expérience, son expertise, son raisonnement et le groupe. Ces apports convergents le rassurent. Le manager marie raisonnement logique et capacité à analyser, à dépasser les choses, à inventer. »

 

Comment traiter la complexité ?

La complexité s’impose à nous. Pour la résoudre, plusieurs approches se dessinent :

La refuser, s’opposer à l’avancée technologique.

La hiérarchiser en créant des silos pour la diminuer. « C’est la manière militaire qui centralise, explique Francis Jutand. Cette méthode est robuste, simplifie le problème mais ne tire pas partie de toutes les possibilités. » En outre, lorsque les choses s’accélèrent, elle ne fonctionne plus.

Il faut alors automatiser des tâches et déléguer ; synchroniser et distribuer le contrôle. Des équipes composées d’exécutants ne suffisent plus. « Derrière cela il faut des systèmes robustes, poursuit l’expert, qui opèrent une synchronisation basse à vitesse plus rapide que l’humain. »

La méthode scientifique/de l’ingénieur s’applique bien pour apprivoiser la complexité : prendre les problèmes, les simplifier, tester, expérimenter pour se projeter et dessiner une trajectoire.

 

Complexité et valeurs

« On ne peut pas maîtriser la complexité sans développer des valeurs. La première d’entre elles étant la loyauté : je dois pouvoir faire confiance à l’autre dont je ne comprends pas tout ce qu’il fait ! » conclut Francis Jutand.