L’industrie a engagé une mue profonde. Elle affecte tant les procédés, les modes de production, la nature des produits et services, que l’organisation et le management des entreprises. Quid des compétences pour mener cette révolution ? – Par Ariane Despierres-Féry
Industrie du futur, de quoi parle-t-on ?
Le mouvement est qualifié de révolution 4.0. La rupture a été amorcée par le numérique et a pris pied dans nos usages avant de toucher l’entreprise.
L’enjeu : moderniser l’outil industriel et transformer les modèles d’affaires par le numérique.
L’objectif : une industrie du futur définie comme plus « connectée, compétitive, réactive aux besoins de ses clients, respectueuse de l’environnement et des travailleurs. »
Mouvements concomitants
L’industrie du futur se forme sous nos yeux dans un double mouvement. Le progrès technologique très rapide, et à la peine, l’évolution organisationnelle. Pour se saisir de ces enjeux les entreprises recherchent de nouvelles compétences. « Des spécialistes capables de prendre en main ou développer de nouvelles technologies, explique Laurent Champaney, DGA en charge des formations d’Arts et Métiers ParisTech. Par définition nos écoles d’ingénieurs préparent à exercer dans l’industrie demain… Notre mission est donc de répondre aux futurs besoins en compétences et expertise. »
Besoin d’experts …
Les Gadzarts peuvent ainsi développer leur expertise dans de nombreux champs aux Arts et Métiers ParisTech :
• Fabrication additive (nouveaux matériaux, mécanique, durabilité des pièces, procédés)
• Robotique collaborative (cobotique, interaction homme/robot, mécatronique)
• Drones
• Management de l’industrie du futur (gestion de la métamorphose induite dans les organisations)
Les expertises technologiques requises pour imaginer et déployer l’industrie du futur sont aussi largement abordées à Centrale Lille en :
• Data science
• Machine learning
• Intelligence artificielle
• Objets connectés
• Robotique et processus d’organisation, de fabrication
• Habitat du futur
• Visualisation 3D
• Modélisation et impression 3D
• Matériaux durables
Tous les domaines des écoles de l’Institut Mines-Télécom – numérique, énergie, environnement – sont également concernés par le mouvement de numérisation de l’industrie et des services.
… autant que d’intégrateurs
Les entreprises ont dans le même temps besoin de généralistes aptes à analyser et mener ces transformations complexes. « Les ingénieurs généralistes ont un rôle crucial à jouer dans cette industrie 4.0 car elle allie les champs disciplinaires et les place en interaction, confirme Emmanuel Duflos, directeur de Centrale Lille. Nous formons des intégrateurs, forts d’une vision transversale des champs disciplinaires nécessaires à l’industrie 4.0 et capables de les connecter de manière à en tirer le meilleur. » La vision intégrative sera au coeur du nouveau cursus de Centrale Lille en place à la rentrée 2017.
Vagues d’innovations
Pour Francis Jutand, DGA de l’Institut Mines Télécom, l’industrie du futur ne naît pas d’une seule rupture mais « de vagues d’innovations :
• Automatisation et numérisation des machines
• Fondation d’un système nerveux numérique dans les entreprises qui va permettre aux outils de conception, de manufacture, de supply chain, de se coordonner
• Puis tout peut être numérisé, simulé, du process à la description numérique des machines
• Réalité virtuelle et augmentée, capacité à interagir avec le numérique
• Intelligence artificielle, interface homme/machine
• Appréhension de l’immensité des données générées
• Désormais des agents intelligents comme la blockchain investissent les technologies. »
Complémentarité homme/machine
Dans le cadre de l’Alliance de l’industrie du futur, l’IMT va participer à un think tank pour concevoir un numérique qui ne se substitue pas à l’homme. « L’enjeu est un enrichissement mutuel, explique Francis Jutand. La machine apporte sa capacité de calculs, aide les opérateurs, permet des gains de productivité. L’humain apporte de la valeur ajoutée par sa créativité, son adaptabilité, son observation. Il est la clé pour préserver et augmenter la qualité des produits et services. »
3 questions à Philippe Darmayan, président de l’Alliance de l’Industrie du Futur
A l’origine de l’industrie du futur, le numérique ?
Le numérique est un langage qui permet de traiter tous les sujets sous un autre angle. Il change la chaîne de valeur dans tous les secteurs. Il nous faut un socle commun de compétences via la formation initiale et continue, afin que nous soyons tous en mesure d’appréhender et mener la transformation qui affecte nos entreprises ; imaginer les process, produits et services qui feront la nouvelle France industrielle.
Comment travaille l’Alliance ?
Nous oeuvrons en cohérence avec l’objectif du plan industrie du futur de 2015 visant à « moderniser l’outil industriel et à transformer son modèle économique par le numérique ». Notre objectif est de doter les entreprises de l’offre technologique française la plus avancée en : fabrication additive, efficacité énergétique, information de l’entreprise, cobotique, monitoring et contrôle, nouveaux matériaux, automatisation, digitalisation de la chaîne de valeur, etc. Nous promouvons également les formations et métiers de cette nouvelle industrie.
Via quelles actions ?
• Un plan stratégique avec les acteurs de la formation et de la recherche, la définition d’un référentiel de compétences
• La création d’un environnement favorable au développement des technologies nouvelles Des appels d’offre auprès de PME afin de leur permettre de tester ces technologies avant d’investir chez elles et ainsi …
• Les aider à réduire les risques et considérer ce que veut dire saisir l’opportunité de l’industrie du futur dans leur activité (créer des produits innovants, implanter de l’intelligence artificielle sur sa ligne de production, utiliser la réalité augmentée pour automatiser son usinage, réduire ses coûts grâce à la fabrication additive)
• Les chefs d’entreprise sont enthousiastes et ouverts mais ne savent souvent pas par où commencer pour s’approprier ces technologies. A la fin 2016, nous avons aidé 3 000 entreprises à analyser leur business model.
http://allianceindustrie.wixsite.com/ industrie-dufutur www.economie.gouv.fr/nouvelle-franceindustrielle
Et si le médicament de demain poussait sur le bas-côté de nos routes ?
La réponse avec Pierre Chalard, directeur des études chimie à Sigma Clermont.
Valoriser des ressources végétales pour la santé et la nutrition, c’est l’industrie du futur ?
Dans le domaine de la chimie appliquée à la santé et la nutrition, la prise de conscience que ces aspects vont de pair avec le développement durable nous conduit à chercher de nouvelles solutions pour ne plus tout miser sur l’industrie pétrochimique. Nos investigations scientifiques visent à valoriser des ressources renouvelables que sont les plantes. Nous inventons ainsi un pan de l’industrie du futur !
Dans cette optique, quel est le lien entre chimie et mécanique ?
Notre nouveau parcours Substances naturelles alliant la chimie et le génie des procédés est très prisé des industriels comme des étudiants. Pour produire des médicaments et solutions de santé à partir de plantes il faut mixer des compétences en procédés (définition de nouveaux procédés) et en chimie (comprendre les nouvelles ressources dont tirer des substances actives).
Un médicament issu de substances naturelles pour demain ?
Depuis deux ans nous travaillons sur la valorisation de plantes aux propriétés antiinflammatoires. La finalité est de créer un ingrédient végétal pour des produits nutraceutiques pour la santé humaine et animale, mais aussi des cosmétiques apaisants. Notre projet est de créer une nouvelle filière industrielle dans la région en réunissant les acteurs depuis la recherche et la production végétale jusqu’au produit fini chez l’industriel.