Comment (vraiment) faire de la diversité une richesse et une source de performance ?

Dire que la diversité est une richesse est devenu banal. Mais tandis que certains parlent, d’autres agissent et savent faire de la diversité un levier de richesse, de performance et de développement dans le supérieur et dans les entreprises. Les invités de Christian Margaria pour son débat réflexion du 6 juin 2015 du Challenge du monde des grandes écoles et universités, sont de ceux-là.

Echanger et rencontrer. Christian MARGARIA a rappelé que les actions pédagogiques menées par le supérieur avec le concours des étudiants, les cordées de la réussite, « ont montré leur utilité pour ouvrir des perspectives de formation et de carrière à des jeunes que leur milieu d’origine semblait prédisposer à des métiers à faible niveau de qualification ou à des filières professionnelles courtes. » Ajoutant que pour les étudiants tuteurs « qui dit rencontre, dit échange… possibilités de prendre conscience des stéréotypes et des préjugés dont chacun d’entre nous est porteur. » L’ancien président de la CGE s’est néanmoins interrogé : « ces actions changent-elles vraiment le regard que les étudiants portent sur les autres ? Ayant perçu la richesse des différences pendant leurs études, seront-ils des cadres plus aptes que leurs aînés à manager des équipes à l’image de la Nation ? » Et à fortiori, l’enseignement supérieur peut-il ainsi être un vecteur de transformation sociétale ? Christian Margaria a ensuite invité ses témoins à décrire comment par des dispositifs pensés et rigoureux, leurs organisations se sont ouvertes à la diversité et la vivent telle une richesse et une source de performance.

Christian Margaria animait le débat sur la diversité lors du CDMGE 2015

Considérer chacun pour ce qu’il a d’unique. Stéphane DIAGANA, champion du monde du 400 mètres haies, parrain du CDMGE depuis 7 ans. « J’ai appris à connaitre la diversité en Seine-Saint-Denis où ma mère était institutrice. Puis, dans le sport de haut niveau, qui est un formidable terrain de rencontres. Le sport qui permet de s’affranchir des différences, des clivages et est une expérience sociale très riche. » Le sport est pour le champion une expérience unique de ce qu’est la vie en société, et permet de vivre concrètement comment la diversité est une richesse. C’est aussi un vecteur de vivre-ensemble « pour le meilleur ou pour le pire « comme les événements récents nous l’ont brutalement rappelé. Il est nécessaire de comprendre et intégrer la diversité pour avancer ensemble. »

LA DIVERSITE DANS L’ENTREPRISE, COMMENT ET POURQUOI ?

Les équipes qui gagnent sont des équipes diverses. Florence DUMEZ, DRH pour les fonctions supports et les directions de programmes chez Renault affiche d’emblée des faits irréfutables d’ouverture : « 15 ans d’alliance avec Nissan ont modifié le quotidien de nos managers. » Comme beaucoup de marques, Renault recherche la diversité pour bien appréhender la diversité des besoins et attentes de ses clients à travers le monde. « Les équipes qui gagnent, qui sont performantes, sont des équipes complémentaires, affirme la DRH sans détours. Car elles ont un degré de créativité et d’innovation supérieur. La pratique de la diversité remet en question et suscite des innovations utiles à tous. »

 

Une organisation monolithique dans sa pensée est en danger. Pour Luis MOLINA, directeur emploi et développement des salariés à la DRH du groupe EDF, « la diversité est d’abord un facteur de performance, ce n’est pas une idéologie. Le clonage est une démarche de facilité sur le court terme mais contreproductive à long terme. » Comme les autres grandes entreprises présentes, EDF œuvre pour une diversité dans toutes ses dimensions mais travaille aussi sur des domaines plus sensibles voire tabous : le fait religieux et l’orientation sexuelle. « Notre credo est l’écoute, le dialogue, la formation et la sanction lorsque nécessaire. Les sociétés vivent des moments d’ouverture et de fermeture. Depuis les attentats de janvier, nous vivons un moment de fermeture qu’il faut aussi gérer dans les entreprises. Le regard que portent les salariés sur les signes religieux par exemple, a évolué. La diversité n’est pas là pour fédérer, elle est un constat. Une organisation monolithique dans sa pensée est en danger dans un monde changeant. L’enjeu est d’être ensemble dans la diversité. »

« Il est facile de considérer les gens via des stéréotypes. Cela demande un effort de considérer chacun pour ce qu’il a d’unique, et ainsi envisager son potentiel à résoudre une question de manière unique. » S. Diagana.

La diversité pour accompagner les jeunes dans la vie active. Cécile DELESTRE, directrice Acquisition des talents chez Nestlé France a présenté les actions de l’entreprise pour accompagner des jeunes dans leur préparation à la vie active et l’amélioration de leur employabilité. « Ces rencontres sont aussi riches pour les jeunes que pour nos collaborateurs qui les encadrent. La diversité est le nerf de la guerre dans l’entreprise. Elle permet de revenir sur l’unicité de la personne, de demander qu’en penses-tu-toi ? » Nestlé expérimente aussi la performance née de la diversité via l’apprentissage. « Nous avons doublé le nombre d’alternants et avons plus de 300 nouveaux managers d’apprentis. »

 

COMMENT REPONDRE A LA DIVERSITE DES AMBITIONS ET PROFILS DES ETUDIANTS DANS LE SUPERIEUR ?

L’enjeu est d’ouvrir réellement ses portes à la diversité. Laurent BATSCH, président de l’université Paris-Dauphine a souligné que la « diversité des étudiants implique une diversité des missions pour l’enseignement supérieur ; et par là-même de cursus et formations. » Le président de la prestigieuse et sélective université insiste sur l’importance « d’assurer la différentiation du système académique. Je vais totalement à contrepied de l’idée d’une uniformatisation de l’offre pour tous. La différentiation et l’autonomie sont les clés pour offrir la qualité à des publics divers. On considère souvent la discrimination positive comme tout ou rien. C’est faux. Les jeunes à potentiel ont le choix, ils nous choisissent parmi d’autres formations, IUT ou prépa notamment. Notre démarche n’est pas uniquement d’envoyer nos étudiants faire du tutorat dans des lycées. L’enjeu est d’ouvrir ses portes à la diversité ; pas seulement de donner espoir, de dire aux lycéens que c’est possible ! »

Avoir un impact réel sur son environnement. Chez Jean-François BALAUDE, président de l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense, la diversité est l’épine dorsale de l’université. Nichée au cœur des « quartiers » Paris-Ouest intègre des étudiants locaux et leur propose le cas échant un accompagnement spécifique. Elle offre également une diversité de cursus, certains plus sélectifs comme les bi-cursus ou les filières pluridisciplinaires, « afin de répondre à la diversité des ambitions de chacun. » Pour le président l’enjeu est « aussi de convaincre les entreprises qu’elles trouvent chez nos diplômés de belles compétences, de bons managers et bons cadres. » Paris-Ouest travaille aussi autrement sur la diversité. « Ce serait scandaleux pour une université en SHS de ne pas consacrer une partie de ses travaux aux problématiques propres à son environnement, de ne pas avoir d’impact localement. » L’université déploie des actions en ce sens auprès de jeunes en difficulté, des détenus et le personnel de la maison d’arrêt.

 

Comment faire de la diversité une réalité et une richesse dans le supérieur et dans les entreprises ?

Former des éclaireurs, éclairés et éclairants. La première des diversités l’école des mines d’Albi est la diversité des voies d’accès pour les étudiants, venus de « prépa, IUT, BTS, pharmacie, de l’étranger, en formation continue », détaille son directeur des études Jean-Paul RAMOND. L’école d’ingénieurs affiche la réalité de sa diversité avec 40 % de boursiers et 42 % de filles. La démarche est également pédagogique. « Nous formons des mineurs tels des éclaireurs, éclairés et éclairants, prenant en compte leurs équipes, et atteignant avec elles de la valeur pour l’entreprise. » Aux Mines d’Albi le discours est important pour faire savoir par exemple que l’ascenseur social fonctionne ; mais l’essentiel est de faire par exemple en dotant chaque élève d’un référent. « L’institution vit les valeurs d’humanisme qu’elle prône », a insisté J-P. Ramond.

A. D-F