Le 20 mai dernier, le CFA Agefpi a célébré le 20e anniversaire de la première promotion d’ingénieurs formés par l’apprentissage à Grenoble INP-Pagora. Dans une chaleureuse ambiance de retrouvailles, cent quatre-vingts personnes – anciens élèves apprentis, enseignants, personnels, représentants des professions et des tutelles,… – ont participé à l’évènement dans les locaux de l’école d’ingénieurs grenobloise. Animés par trois maîtres de cérémonie – Naceur Belgacem, Directeur, Bernard Pineaux, Directeur-adjoint, et Arnaud Marquis, Président de Grenoble INP-Pagora et du CFA Agefpi -, deux temps forts ont marqué la journée : la Table ronde et la Séance plénière.
La Table ronde a réuni trois protagonistes de la création du Centre de Formation d’Apprentis en 1994 : Maurice Renaud, Président de l’INPG (Grenoble INP), Christian Voillot, Directeur de l’EFPG (Grenoble INP-Pagora), et Jean-Michel Grillot, premier Responsable du CFA Agefpi. Avec une passion intacte mâtinée d’humour, les fondateurs ont relaté l’histoire mouvementée de la mise en place de la formation par apprentissage à l’école.
Au début des années 90, le contexte est favorable à cette innovation pédagogique : la loi du 23 juillet 1987 de Philippe Séguin a ouvert l’apprentissage à tous les diplômes, du CAP à l’ingénieur, et le consacre ainsi comme un système de formation à part entière. À l’EFPG, école d’ingénieurs de statut privé avec un comité de direction à très forte majorité industrielle, s’affirme alors une volonté d’assurer sa pérennité économique et d’introduire une pédagogie nouvelle de l’alternance, sur fond de débats passionnés quant à la qualité du diplôme d’ingénieur obtenu par cette voie.
« C’était une époque vraiment enthousiasmante. Tout le personnel de l’école était convaincu de l’intérêt de l’apprentissage. Les étudiants le sentaient. Il y avait une volonté commune sous la pression des entreprises » (C. Voillot).
Dès janvier 1993, Jean-François Hemon Laurens, secrétaire général du Syndicat papetier, initie la création d’un CFA au niveau ingénieur. Il soutient et accompagne l’école dans ce projet avec l’appui de l’INPG, de la région et des professions, notamment avec la Fédération des industries graphiques, représentée par Jacques Beaugrand.
La formation par apprentissage est ainsi mise en place pour le quart de la promotion de 2e année à la rentrée de septembre 1994. Plusieurs entreprises, dont Arjowiggins et Smurfit, apportent à cette occasion un appui décisif à l’école. La Commission des Titres d’Ingénieur, quant à elle, confirme l’habilitation de l’EFPG à délivrer le diplôme d’ingénieur par la voie de l’apprentissage en juillet 1995. La première promotion d’ingénieurs par apprentissage, comportant dix papetiers, trois imprimeurs et trois transformateurs, est diplômée en septembre 1996.
Former des ingénieurs par apprentissage, la décision était prise. Toutefois, concrètement, tout était à faire : trouver des entreprises prêtes à recruter des apprentis-ingénieurs dans leurs usines et convaincre les élèves-ingénieurs de mettre un pied dans le secteur industriel pour se former. Une tâche ardue.
« Je suis rentré là-dedans à bras le corps ! » (J.M. Grillot)
Néanmoins, le jeu en valait la chandelle. Quelques-uns des premiers ingénieurs diplômés par apprentissage présents ont témoigné de leur découverte d’une nouvelle vie d’étudiants, désormais salariés, et de leur motivation : parce qu’ils étaient désireux d’apprendre de façon concrète loin du schéma de la scolarité classique, leur implication dans l’industrie leur donnait une meilleure compréhension des enseignements de l’école tandis que ces derniers leur permettaient de mieux appréhender les problématiques techniques de leur entreprise d’accueil.
Malgré un démarrage chaotique, la pertinence de la formation des ingénieurs par apprentissage ? aujourd’hui pilotée avec conviction et efficacité par son responsable, Frédéric Munoz ? ne s’est jamais démentie durant ses vingt ans d’existence. La meilleure preuve en est d’ailleurs l’excellent placement des ingénieurs diplômés par cette voie dès leur sortie de Grenoble INP-Pagora.
Lors de la Séance plénière, la situation actuelle de la formation par apprentissage a fait l’objet de débats très intéressants. La parole était donnée à Michel Issindou, Député de l’Isère, Isabelle Margain, Responsable Formation Initiale et Certifications de Branche – Intersecteur Papier Carton (Unidis-Afifor), Bernard Trichot, Directeur d’AGEFOS PME-CGM, et Pierre Benech, Vice-président du CA, de la Stratégie, des Finances et des Projets immobiliers de Grenoble INP.
« L’apprentissage est un moyen extraordinaire pour les jeunes d’entrer dans l’emploi. »
Michel Issindou a souligné l’excellence de l’apprentissage mais a insisté également sur les efforts que les différents acteurs ? de l’enseignement, des instances publiques et politiques, des industries ? doivent encore accomplir : améliorer l’image encore peu valorisante de la formation par apprentissage, simplifier la panoplie souvent illisible des formalités et surmonter la frilosité des entreprises en termes de recrutement des apprentis ainsi que celle des apprentis en termes de mobilité. L’apprentissage reste encore trop souvent un parcours du combattant. Le cœur du problème est le regard que les Français portent sur l’entreprise.
« Il faut valoriser l’entreprise, c’est ce qui fait vivre un pays. »
Isabelle Margain a indiqué que les entreprises de l’intersecteur papier carton sont friandes d’apprentis mais que la moitié de leurs offres ne sont pas pourvues faute de candidats. L’objectif est de doubler leurs effectifs afin de pallier les départs à la retraite dans les cinq ans à venir. Des actions sont engagées par la branche : Chantiers insolites, un dispositif de communication destiné à attirer les jeunes vers l’apprentissage, et Ça cartoune, un projet de numérisation de la formation afin de favoriser le partage des connaissances.
Bernard Trichot a également insisté sur l’importance de l’apprentissage dans les industries graphiques et sur la politique volontariste de la branche qui soutient la formation d’ingénieurs par apprentissage. En effet, les profondes évolutions technologiques du secteur de la communication imprimée révolutionnent les entreprises contraintes de repositionner leur processus de production et confrontées à la mutation des marchés et des clients. Or, ce sont notamment les ingénieurs entrant dans ces entreprises qui ont la capacité de donner ces nouvelles orientations.
Enfin, Pierre Benech a rappelé que Grenoble INP-Pagora, pionnière de la création d’une filière par apprentissage via le CFA Agefpi, est désormais rejointe par les autres écoles d’ingénieurs de Grenoble INP. Ces dernières ont adopté elles-aussi cette formation des élèves-ingénieurs, adaptée à un milieu industriel, qui les rend immédiatement opérationnels à leur sortie de l’école. Pour changer l’image de l’apprentissage, ce type de formation doit être poursuivi au niveau de l’enseignement supérieur afin de ne pas le cantonner à un rôle social, une erreur trop souvent commise dans le discours politique. En outre, la formation par apprentissage participe aussi à l’évolution des enseignants et de leur enseignement. Enfin, il faut mélanger les étudiants du cursus classique et du cursus par apprentissage afin de favoriser la promotion de l’alternance par les jeunes eux-mêmes et d’éviter les ghettos académiques.
« L’apprentissage est une voie d’excellence pour tous. »
Cette journée anniversaire a été complétée dans l’après-midi par la visite de l’école et du laboratoire LGP2 afin de faire découvrir aux invités les équipements de formation et de recherche ainsi que des innovations concernant l’électronique imprimée, la bioraffinerie, le recyclage, la batterie Li-ion et les biomatériaux, présentées par des enseignants-chercheurs.
Un atelier Origami et Karigami animé par deux artistes de l’école ? Alizée Glasser, élève-ingénieur de 3e année, et Manuel Duarte, gestionnaire de la taxe d’apprentissage ? a apporté une touche ludique et conviviale à la manifestation.
20 ANS CFABULEUX : un livret compilant les témoignages recueillis auprès des anciens apprentis a été édité et distribué pour l’occasion. Il a été conçu et réalisé avec beaucoup de créativité et de talent par Sérine Boussema, élève-ingénieur de 1re année. Un bel hommage de la nouvelle génération aux anciens apprentis !
En fin de journée, le partage d’un gâteau d’anniversaire aux bougies étincelantes a conclu cette célébration réussie des 20 ans du CFA Agefpi.
Le CFA Agefpi en quelques chiffres
- Des apprentis dans toute la France
- 180 partenaires industriels
- 2 offres de contrat d’apprentissage par candidat
- Plus de la moitié des apprentis recrutée sur titres
- 60 % des apprentis en production
- 40 % de femmes dans l’effectif
- 40 % d’une promotion diplômée par l’alternance
- Plus de 400 ingénieurs au total formés par l’alternance
- 100 % de placement des diplômés au bout de 6 mois
- Création de l’apprentissage pour la Licence professionnelle en 2006
98 diplômés de Licence professionnelle par apprentissage