[Analyse] Et si le choc des générations tant commenté n’en était pas un ?

Les générations Babys boomers (1946-1964), X (1965-1979), Y (1980-1994) et Z (1995-) sont-elles réelles ? Si tel est le cas, ont-elles une incidence sur le fonctionnement de l’entreprise ? Il est clair que nous sommes, en France, face à une situation démographique qui polarise une population « jeune » (0-19 ans) versus une population plus âgée (60 ans et plus) (source : Bilan démographique – INSEE 2018).

 

La population vieillit comme en témoignent l’augmentation de l’âge moyen (passé de 36.87 ans en 1991 à 40.3 ans en fin 2018) et l’augmentation de la part relative de la tranche d’âge 60 à 64 ans (passant de 5.1 % à 6.1 %). Ce choc des générations est-il lié à ce vieillissement ou est-il tout simplement un problème de contexte ?

Ces générations sont intimement liées à leurs époques et aux contextes (économique, politique, environnemental) dans lesquels elles ont évolué. Ces environnements façonnent directement notre façon de voir notre avenir, de considérer nos envies et nos peurs. Il y a en revanche un fait indéniable et récurrent : chaque génération bouscule à sa manière les codes du management et demande aux managers de renouveler leurs pratiques. La génération Z, si elle existe réellement, est une génération qui a accès à une multitude d’informations et est en hyper connexion (téléphone portable, ordinateur, tablettes, réseaux de messageries etc.). Cet accès continu à l’information peut donner un sentiment de toute puissance, pouvant parfois nous amener à nous questionner sur la capacité de fonctionnement des uns et des autres sans téléphone portable, sans moteurs de recherche.

A ce constat s’ajoute une multitude de nouveaux outils de communication et de gestion qui amènent les entreprises à se transformer digitalement parlant. Cette transformation est cruciale et confronte des générations qui ont appris à intégrer de nouveaux outils à des générations qui la vivent naturellement. Il y a nécessairement un décalage qui peut générer quelques complications dans la collaboration inter générationnelle.

Pour répondre à ces attentes générationnelles et celles des entreprises, les écoles de commerce et de management évoluent pour s’adapter au mieux aux exigences des entreprises via l’intégration du digital dans les études (plateforme de communication, évaluations digitalisées, élaborations de contenus digitaux). Pour favoriser l’intégration de jeunes diplômés dans des équipes multigénérationnelles, trois préconisations découlant d’un bon « sens paysan » peuvent être citées :

 

Nous serons toujours les jeunes et les vieux des autres. La mécanique générationnelle est inarrêtable et renvoie à ce sempiternel constat. Elle n’enlève pas pour autant la pertinence du questionnement mais il convient de ne pas suramplifier les écarts générationnels et la capacité des hommes à s’adapter.

Le pouvoir de la communauté. Les multiples générations présentes dans nos entreprises ne demandent pas à être discriminées. Il est de la responsabilité des entreprises de créer les conditions de collaboration permettant à ces mêmes générations d’en retirer des bénéfices mutuels. Par exemple, un.e manager de 48 ans peut mettre à jour ses compétences digitales au contact d’un.e jeune collaborateur.trice, ce dernier pouvant apprendre de son manager la prise de recul, l’analyse macro des situations de travail.

Un but partagé. A partir du moment où l’entreprise aura intégré les différentes attentes de ces générations, il deviendra plus aisé pour les dirigeants et managers de définir et de donner du sens à un but partagé. Une manière de définir un but partagé est par exemple de réaliser chaque un baromètre social permettant à chaque collaborateur de faire connaître ses aspirations.

Enfin, il me semble que la question générationnelle et de la collaboration entre générations trouve sa réponse dans la transmission / reprise d’entreprise. En 2018, selon l’étude parue dans INSEE Première – n°1734 – Janvier 2019, il y a eu 691 000 créations d’entreprise (soit 17 % de plus qu’en 2017), 60 000 entreprises mises en vente et 185 000 entreprises susceptibles d’être cédées. Le marché de la reprise d’entreprise est un marché globalement « caché » et qui demande une stratégie long terme.

La reprise d’entreprise serait ainsi le terrain parfait d’action pour des jeunes générations cherchant à évoluer dans l’intergénérationnel ; parce qu’il existe en France de nombreuses manières d’être soutenus dans son projet de création / reprise (prêts d’honneur) et que statistiquement il y a moins d’échecs dans la reprise que dans la création d’une entreprise. Pour conclure, transmettre à un jeune, c’est être sûr que l’entreprise cédée puisse continuer l’œuvre de son créateur tout en la modernisant !

L’auteur :

Pierre-Laurent FELIX, Directeur IFAG Nantes

 

Pierre-Laurent Felix (photographe Tony Maillard Nantes DR)