L’écrivain Pascal Bruckner, auteur du livre ‘‘Le mariage d’amour a-t-il échoué ’’ (Grasset), nous donne sa vision du couple moderne
Le mariage continue-t-il de faire rêver les jeunes ?
Le mariage est devenu facultatif puisqu’on lui a substitué toutes sortes d’alliances plus ou moins ressemblantes qui combinent les avantages sans ses inconvénients, parmi lesquels le Pacs et l’union libre. Pour autant, le langage matrimonial continue de dominer la vie du couple. Les mots « mari » et « femme » restent la norme. Dans une France catholique, le mariage était un sacrement et l’amour était une conséquence heureuse ou non du mariage. Aujourd’hui, dans une France plus laïcisée, c’est l’amour qui est sacré et le mariage n’est qu’une formalité dont on peut se passer. Nous avons changé de sacré et c’est un changement fondamental.
La fidélité est-elle encore le ciment du couple ?
Les jeunes valorisent toujours autant la fidélité qui leur paraît préférable à une vie plus dissolue. Mais la fidélité physique et celle du coeur, ce n’est pas la même chose. L’infidélité est l’aimant qui permet de revaloriser la sexualité du couple. C’est le petit écart qui permet de rester dans le droit chemin. L’adultère est le complément du mariage. C’est très douloureux, mais ils vont de pair. Quand on instaure la monogamie, on instaure le risque de transgression. De là que nous sommes monogames en série.
Amour toujours, c’est un voeu pieux ?
La grande illusion moderne, c’est de croire que l’on peut tout bâtir sur l’amour et le désir alors qu’ils ne durent qu’un temps. On peut certes les transformer en autre chose, mais croire que l’amour et l’eau fraîche vont nous porter jusqu’à la fin de notre existence est une sottise. Le plus sage est de vivre en couple le plus tard possible. On est plus mûr après 40 ans, on se connaît mieux et l’on risque moins de céder aux foucades du premier ou de la première venue ! D’autant que les femmes ont des enfants de plus en plus tard, entre 33 et 40 ans. On vit plus vieux et plus longtemps, la médecine nous le prouve chaque jour un peu plus. Cette situation va profondément bouleverser les rapports humains à l’avenir. Difficile de rester avec son partenaire jusqu’à l’âge de 80 ans lorsque l’on s’est connu à l’âge 20 ans !
L’institution du mariage a-t-elle été remise en cause avec l’union des homosexuels ?
Le mariage gay ne marque pas la fin de la famille, mais son triomphe absolu. En effet, aujourd’hui, ceux qui se considéraient comme les marginaux de la société, ne demandent qu’à faire famille comme les autres et avoir des enfants. C’est la fin de la vieille malédiction qui liait l’homosexualité et la stérilité. La loi ne crée pas un état nouveau, mais entérine quelque chose qui était latent. Certes, le complexe d’Oedipe va être plus compliqué, il va donc falloir inventer de nouvelles formules d’identité.
Un professeur globe trotter
Titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un doctorat de troisième cycle, Pascal Bruckner a enseigné à Sciences Po pendant 15 ans avant de partir aux Etats-Unis et d’enseigner plusieurs années à l’Université de New York et de San Diego. « Cela reste une expérience extraordinaire, Je dispensais un cours en Français sur le nouveau roman, et deux cours en anglais : l’un en littérature comparée sur l’exotisme et l’aventure coloniale, l’autre sur le socialisme. » Actuellement, il enseigne tous les deux ans au coeur du campus du Bryan-College Station au Texas qui compte 60 000 étudiants. « Partir est un passage obligé. Il faut revenir avec un bagage culturel et intellectuel qui permet de réadapter la France au contexte international. »
F.B